Masques
L'une des fonctions du masque consiste à dissimuler le vrai visage pour souvent en proposer un autre à la place. Sous le masque nul ne doit pouvoir découvrir de qui il s'agit : homme ou femme. Les bals masqués permirent ainsi nombre d'échanges et de jeux, et le carnaval, le cirque et le théâtre utilisent encore le masque pour tromper l'œil ou se jouer de la crédulité de qui regarde mais aussi pour dénoncer une vérité dont la réalité elle-même serait le masque. La vérité et le jeu sur la vérité, le mensonge et les apparences, donnent une expressivité au masque qui peut aller jusqu'à la caricature.
Souvent les enfants psychiquement fragiles ne supportent pas de porter eux-mêmes un masque ou de voir leurs proches en porter car le jeu est trop cruel et trop « vrai » à leurs yeux. Leur insécurité narcissique les rend hypersensibles à tout ce qui concerne le semblant d'identité. Les premières difficultés rencontrées dans le registre amoureux, difficultés qui peuvent être très précoces, relèvent souvent d'une remise en question personnelle de son identité sexuée. La rencontre avec l'autre sexe induit la question : suis-je bien homme ou suis-je bien femme ?
Fifille est le nom du tableau de Sonia réalisé à partir de collages de papier et de laine. Il représente un visage aux cheveux rouges qui comme Méduse semble capable de terrasser de son regard vert le premier imprudent qui la contemple. Mais Méduse, dont Freud put dire que la tête était figurée entourée de serpents-phallus, est un être complexe et terrible dont le rapport au genre n'est pas évident. Fifille est un terme qui peut impliquer une certaine immaturité – sexuelle – mais qui dans le contexte de ce tableau médusant évoque aussi une certaine agressivité : appellation doucereuse dont une mère pétrifiante affublerait sa fille pour mieux la posséder.
Caricature
La caricature est art de la déformation. Elle consiste en un traitement particulier de la représentation (visage, corps ou scène sociale) visant à accentuer certains traits plutôt que d’autres afin de subvertir l’expression de la personne ou de l’idée présentée. Le plus souvent c’est à partir de la mise en avant d’un détail qu’elle détourne l’identité première et en crée une nouvelle dans l’intention de provoquer l’hilarité ou la moquerie.
Dans le beau tableau de Lucille, les tâches colorées encadrent un masque digne de ceux utilisés par la commedia dell’arte. Son expression moqueuse évoque la caricature mais certains détails, comme les cils ou la bouche paraissent par contraste être vivants derrière le masque. Sont-ce ceux d’un homme ou d’une femme ? Seul le fait d’ôter le masque pourrait lever le doute.
En revanche la représentation sexuée est très claire dans cet autre tableau, peint par Clémence. Le masque qu’il figure est menaçant du fait de ses sourcils qui n’en finissent pas et se terminent en cornes fourchues. Il ressemble aux représentations fréquentes du Diable ou du satyre et semble narguer celui qui le regarde comme si son intention était de se jouer de la crédulité du premier venu.
Le rouge accentue la tonalité violente de ce tableau qui a pour titre Un homme en colère.
Plutôt qu'un homme d'ailleurs, ne s'agit-il pas ici d'une allégorie du phallique dont la dimension persécutoire peut parfois s'imposer au sujet, dans la réalité comme dans des épisodes délirants ?