L'infantile
L'infantile est un terme qui caractérise ce qui provient de l'enfant et qui définit la manière dont l'adulte le considère. Dans le langage courant, l'infantile évoque souvent l'immaturité, la naïveté, ou la tendresse et implique aussi que le sujet n'assume pas de rôle sexué. Lorsque le terme d'infantile est appliqué à un adulte, il est plutôt péjoratif et juge que le comportement n'est pas en rapport avec ce que l'on est en droit d'attendre d'une personne mature et autonome. Les raisons peuvent en être l'arrêt à un stade précoce de l'évolution affective ou intellectuelle du fait d'un trouble psychopathologique ou une régression momentanée due à un effondrement psychique.
Le tableau de Sonia, Petit bonhomme, rend bien compte de la dimension infantile, il a une forme très archaïque, aux traits arrondis. Sa tête relève un peu du registre animal et il ressemble à un nounours. Objet transitionnel par excellence, les enfants élisent dans leur plus jeune âge le nounours comme un objet familier dont la fonction est de les protéger des dangers extérieurs à leur univers. Il réalise la transition entre leur monde et l'extérieur. L'œuvre de Sonia est-elle assimilable à un tel objet transitionnel ? Peut-être pas, car parfois les difficultés rencontrées par certaines personnes dans l'existence montrent qu'elles n'ont pas eu l'occasion de bénéficier d'une telle "protection". Il n'empêche que le Petit bonhomme de Sonia demeure sympathique et familier, comme si l'on retrouvait dans sa forme quelque chose que nous avions déjà connu. Les teintes en sont chaudes et rassurantes, les formes rondes douces et souples.
Les œuvres présentées dans cette notice ont été réalisées par des artistes de l'atelier de peinture de Baugé (49), dépendant du secteur 6 du Centre de Santé Mentale Angevin.
La naïveté
La naïveté entretient avec l’ingénuité de l’enfance des rapports évidents. Associée à la spontanéité d’une pensée, elle est en esthétique au fondement de ce que Jean Dubuffet appela l’Art Brut, cet « art modeste […] qui souvent ignore même qu’il s’appelle art » (« L’art brut » (1947), in L’homme du commun à l’ouvrage, Paris, Gallimard, 1973, p.85).
Les tableaux Un homme seul et Une femme heureuse sont empreints d’une simplicité qui tend à la stylisation. Ils sont construits avec des formes rondes, premières compétences graphiques de l’enfant, et présentent des têtes prenant toute la place.
Un homme seul ressemble en tout point à un champignon et il n’est bien entendu pas sexué.
Une femme heureuse est une œuvre qui semble construite à partir de l’image d’un volcan. La tête pourrait s’en détacher et partir dans un élan hors du tableau. Les orifices du nez, de la bouche et des yeux, sont des trous béants ; le regard est séparé des yeux, réalisant une figure quadrioculaire qui provoque un effet d’étrangeté : les yeux sont-ils séparés de leurs orbites ou bien cette femme en a-t-elle vraiment quatre? A vrai dire entre le titre et la représentation il paraît y avoir un décalage. Est-ce une femme ? Est-elle heureuse ? Est-elle visage ou paysage ?
Le tableau Un enfant qui regarde le ciel bleu a un titre qui peut surprendre, la couleur effective du ciel derrière l’enfant étant d’un rouge orangé vif, comme celle d’un coucher de soleil embrasant le ciel. Seul au milieu du tableau, le personnage possède lui aussi une grosse tête toute ronde mais contrairement aux représentations précédentes, son corps, enveloppé dans une large cape, est plus proche de la forme humaine. Il n’y a aucun indice concernant sa sexuation…comme si les enfants n’avaient pas de sexualité.
Animaux de compagnie
Deux autres tableaux mettent au premier plan des animaux qui semblent être les compagnons des personnages représentés. Ces animaux sont tous deux étranges, réalisés semble-t-il par juxtaposition de représentations, ce que nous appelons « collage » de formes.
Dans le tableau Sans titre, la petite fille au premier plan est accompagnée d’un animal rampant qui évoque la limace. Il semble être là avec elle, comme compagnon. Sa forme phallique et la sexuation relativement marquée du personnage qui porte une robe et de très grosses boucles d’oreilles permettent de penser que l’auteur figure la différence des sexes en dehors du corps proprement dit.
En effet en arrière plan, on aperçoit plusieurs autres personnages non sexués : deux à gauche dans l’embrasure de la porte et un autre en haut à droite qui est réalisé sur le mode infantile du « bonhomme têtard ».
Le tableau Noël des enfants présente également un personnage accompagné d’un animal bizarre, compromis entre le chat, la belette, le lézard et l’escargot. Le vêtement de l’enfant, très envahissant, ne permet pas de dire s’il s’agit d’un garçon ou d’une fille. Cette belle réalisation frappe par ses couleurs lumineuses qui font ressortir le visage et donnent aux yeux un éclat émerveillé que provoquent sans doute les joies de la fête.