Les silhouettes
La silhouette désigne une forme dont les détails sont gommés, inaccessibles ; une forme qui permet a minima de saisir ce qui est représenté. Elle est forme globale, Gestalt du corps plutôt que des objets. En elle, les détails sont gommés et les signes d'une identité personnelle sont effacés. Ainsi, la forme globale du corps, telle que le jeune enfant la perçoit dans le miroir l'identifie comme être humain et non comme garçon ou comme fille.
Ce tableau a été réalisé par un homme D. Dourain : la verticalité y est fondamentale et la silhouette prête en effet à l'équivoque. L'incessante utilisation de touches colorées accentue cet effet, provoque une perplexité quant à l'identité sexuée du personnage, qui semble émerger de la couleur et des traits verticaux qui forment à la fois le fond et la forme. Sur ce fond qui enveloppe la forme, on peut d'ailleurs distinguer une autre silhouette, en bas à gauche, qui n'en est pas encore clairement dégagée. Le procédé esthétique utilisé travaille en effet le flou et évoque le rêve, le seuil de la conscience, la naissance du savoir.
La verticalité
La verticalité, trait commun aux tableaux « silhouettes », est la marque d’une condition humaine, faite d’élévation et de chutes, d’espoirs et de déceptions.
Le tableau de Germain illustre à la fois l’espoir d’un ailleurs et la difficulté à le trouver, l’errance et la solitude. En marche dans une immensité bleue, qui pourrait être la nuit, le personnage paraît chercher une issue.
L'équivoque
L’imprécision de la forme en esthétique renvoie à la dimension de l’équivoque et à une « logique de l’incertitude ».
Le tableau de cette artiste, Nault-Bédane, intitulé Bouteilles à la mer ou moines en prière introduit volontairement l’équivoque. Elle en dit ceci : « La profondeur du regard porté exprime la solitude de ces bouteilles jetées à la mer ou de ces moines en prière. Véritable miroir de la vie. »
Cette œuvre questionne quant à la nature humaine des formes présentées. Jouant sans cesse avec les registres de l’imaginaire et du symbolique, elle souligne dans son titre que des êtres humains sont là présentés et sexués, mais ils sont du fait de leur fonction marqués par l'abstinence sexuelle et donc par une certaine virginité qui les destine à chercher un au-delà de la sexualité dans la spiritualité. De même les bouteilles à la mer sont par essence des bouteilles au contenu détourné de leur fonction première : elles donnent à l’humain assoiffé, conscience de sa solitude, de sa vacuité et de l’énigme de son désir.
L'enveloppement
Le tableau de Bill utilise le minimalisme de la forme et la colorisation par lignes. Les formes humaines présentées ne renvoient rien de leur appartenance à un genre puisqu’elles sont pour leur auteur des anges. Les visages, qui sont pourtant la marque spécifique de l’humain, sont vides, ce qui rend cette représentation inquiétante.
Ils suggèrent l’absence d’expression et donc de parole de ces êtres indécis. Pourtant cette indécision n’est pas présente dans le trait minimaliste qui cadre la forme et l’affirme à l’infini. Le trait semble ici faire bord, faire peau. Il enveloppe un corps irréel qui ne dit pas son genre.
L’œuvre de Lucille présente également une silhouette enveloppée de brouillard, comme si les brumes avaient été volontairement utilisées pour ne pas révéler l’identité du personnage représenté. Ce procédé qui repose sur une esthétique du flou, rend incertaine la forme humaine et laisse entrevoir que peut-être dans cette hésitation réside une vérité à ne pas dévoiler.
Cette atmosphère est typique des romans gothiques de la fin du XIXème, Le Golem de Gustave Meyrinck, Dr Jeckyll et Mr Hyde de Stevenson, ainsi que de certains films mettant en scènes des monstres ou des personnages énigmatiques, Elephant man de David Lynch, Freaks de Tod Browning, La féline de Jacques Tourneur, ou Ombres et brouillard de Woody Allen. Elle caractérise le style fantastique et l’indéniable séduction qu’il exerce (au sujet du fantastique, voir de Roger Caillois, Obliques, précédé d’Images, images…, Paris, Gallimard, 1987).