Marie Bonnevial et la Commune
La défaite militaire de la France face à la Prusse et la fin du Second Empire s'accompagnent d'insurrections. A Paris, en mars 1871, la Commune s'organise. Marie Bonnevial s'engage physiquement aux côtés des insurgés, organise des caisses de solidarité et soutient les familles des Communards. A Paris, entre les 22 et 29 mai 1871, la "semaine sanglante" fait près de 40 000 morts. De nombreux combattants et militants s'exilent ou sont "déportés" vers la nouvelle Calédonie, à l'instar de Louise Michel . Beaucoup choisissent l'exil comme Paule Minck.
Ce "laisser-passer" est l'arme des faibles, de ceux qui combattent les mains nues, qui courent avec des médicaments, des colis de survie, des messages, actions plus tard baptisées "humanitaires".
La résistance à la répression de la Commune
Marie Bonnevial laisse des traces d’un soutien logistique, humanitaire, non dépourvu de danger. La répression lyonnaise n’est pas aussi sanglante et massive qu’à Paris, mais non sans risques physiques immédiats ou de procès en cas d’arrestation.
L’action politique de Marie Bonnevial découle d’une analyse nationale et… internationale. L’antagonisme entre partisans du progrès social et du retour à l’ordre moral se situe sur une échelle européenne et pas seulement nationale.
Le rôle de l’analyse des rapports de force (qui domine qui ? pourquoi ?) joue un rôle central dans la correspondance de Marie Bonnevial, et se retrouve dans la correspondance conservée. Se mêlent des considérations personnelles, affectives et des analyses politiques.
Dans le fonds d'archives du CAF, le texte La Revanche de la France et de la Commune écrit par un représentant du peuple de Paris a été conservé avec la correspondance de Marie Bonnevial à cette période. Il donne le point de vue des Communards.
Marie Bonnevial et Paule Minck
Dans une première lettre du 16 août 1871, Paule Minck regrette le silence de Marie Bonnevial et s'inquiète de l'absence de réponse. Le silence de Marie Bonnevial peut être dû à plusieurs facteurs : dysfonctionnement de la poste dans une période troublée, impossibilité de Marie Bonnevial de répondre, ou même, refus de répondre de sa part.
La seconde lettre du 18 octobre 1871 témoigne de l’intense communion entre les deux femmes sur le plan militant.
"Genève, le 18 octobre 71
Comme vous devez m'en vouloir chère amie de mon long silence comme vous devez m'accuser d'oubli, de négligence de toutes sortes de vilaines choses et comme sans doute vous devez porter des jugements téméraires sur mon compte. Je vais donc bien vite m'expliquer afin de ne pas laisser votre imagination par trop vagabonder dans le pays des suppositions et pour que votre cœur ne s'afflige pas en doutant de ma sincère sympathie pour vous.
Lorsque je reçus votre bonne lettre de la fin d'août il y a déjà 6 semaines j'étais un peu souffrante et je la communiquai à ces dames du comité pour qu'elles me renseignent sur Genève qu'elles connaissent mieux que moi et qu'elles m'aident à faire les démarches nécessaires.Mme Gandillon s’est très activement occupée de vos demandes et elle vous a répondu elle même puisqu’elle avait à vous écrire en son nom et à celui du comité.
Tranquille alors au sujet de la réponse que vous attendiez je me remis au travail et me plongeai entièrement dans un ouvrage très sérieux que je fais et qu’on attend.
Puis le congrès de Lausanne vint et la fièvre de la lutte me montant au cerveau j’oubliai tout et ne songeai plus qu’à combattre efficacement pour mes idées socialistes, pour le peuple et pour la vraie République – rien de celle de M. Thiers –. De retour de Lausanne je tombai presque aussitôt malade – je le suis encore – et c’est étant dans mon lit douloureusement étendue que j’ai reçue [sic] la brochure l’Extermination que vous m’avez si gracieusement envoyée.Merci chère amie d’avoir pensé à moi, merci surtout de ne pas m’en vouloir de mon vilain silence, mais vous avez compris n’est-ce pas que vous écrivant ou non je ne vous en aimais pas moins ; et je ne crois pas en effet que la sympathie que nous éprouvons l’une pour l’autre puisse être altérée ou atténuée par le temps, la distance et même le silence. Je vous ai senti de suite : vous êtes une nature forte, intelligente et dévouée et à ces natures là je m’attache à jamais moi.
Combien je suis peinée que votre journal n’ai [sic] pu vivre j’aurais été si heureuse de vous envoyer parfois ma prose ! mais si vous faites paraître quelques publications à intervalles irréguliers faites le moi savoir d’avance et je vous enverrai pour elles toujours autant de lignes que vous le désirez.Ces dames du comité central de notre association des dames – comité dont je fais partie – ont l’intention de fonder aussi un journal, nous le pourrons plus facilement que vous, derrière les montagnes de Suisse nous sommes à l’abri du cautionnement – et en vérité je trouve que notre ligue a besoin d’un organe spécial –. Dans le cas ou [sic] nous pourrions mettre notre projet à exécution nous comptons entièrement sur toutes les dames de votre Ligue Républicaine de Lyon. J’ai rencontré Jules Frantz ici, il n’est pas très bien vu parmi les émigrés de Lyon, pourriez vous me renseigner pourquoi. (…)"