Se déplacer

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Comptoir spécial de costumes de vélocipédistes pour dames aux Grands Magasins du Louvre, anonyme, 1895, papier imprimé, Paris, Musée Galliera, © Photothèque des musées de la ville de Paris / cliché Andreani. 

« Toute femme qui se montre se déshonore » écrit Rousseau à d'Alembert. Combien plus celle qui voyage ! Le soupçon pèse sur les déplacements des femmes et notamment des femmes seules » écrit l'historienne Michelle Perrot. Cependant, les femmes sont de plus en plus nombreuses à voyager, surtout après 1850 lorsque les nouveaux moyens de transport facilitent les déplacements. Les colonies sont aussi des terrains d'aventure.

Fin XIXe siècle, une nouvelle culture féminine légitime le voyage et sa vocation éducative pour les jeunes femmes de la bourgeoisie, excluant les voyages exploratoires, aventureux. Hors normes, les Jane Dieulafoy, les Alexandra David-Néel, les Isabelle Eberhardt assouvissent leur désir d'Orient.

Dans les déplacements courts, les femmes sont aussi remarquées. Les cartes postales des années 1900 montrent des conductrices, des cochères, des chauffeuses en tenue de travail… Mais plus que la voiture, la bicyclette qui se démocratise à la fin du XIXe siècle, masculinise le costume féminin.

Les femmes des milieux aisés raffolent également des sports pourtant jugés masculinisants : alpinisme, escrime, patinage, yachting, canotage, golf, tennis, cyclisme, équitation… Le compromis vestimentaire est de rigueur.

Aventure et voyage

Le travestissement est toléré s’il s’agit d’un déguisement occasionnel destiné à protéger une femme dans l’espace public. Les voyageuses y ont souvent recours. Parmi les plus célèbres : Jane Dieulafoy (1851-1916), Alexandra David-Néel (1868-1969), Isabelle Eberhardt (1877-1904).

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Portrait de Jane Dieulafoy, chez elle, rue Chardin à Passy, anonyme, vers 1900, photographie noir et blanc, © Hachette

En Perse

Issue de la bourgeoisie toulousaine, Jane est le « garçon manqué » dans une famille de 5 filles. Elle se marie à 19 ans avec Marcel Dieulafoy, un jeune polytechnicien fasciné par l'Orient. Ils n'auront pas d'enfants.

En 1870, alors que son mari est capitaine, elle est franc-tireur dans l'armée de la Loire : elle revêt alors l'habit masculin. En Perse, où elle découvre avec l'équipe de son mari la frise des lions et des archers de la garde de Darius, elle s'habille toujours en homme.

Revenue à Paris en 1886, elle ne quitte plus son « pantalon de toile fine à la coupe impeccable, une chemise de percale blanche, agrémentée d'un mince cordon de cuir à nouer au col. » Elle devient alors journaliste et femme de lettres, publiant des romans historiques, puis psychologiques révélant des positions conservatrices. L'un de ses livres est tout de même consacré à l'histoire des travesties (indications bibliographiques)…

Au Tibet

Alexandra David-Néel est dès sa prime jeunesse farouchement indépendante et irrésistiblement attirée par les voyages, les découvertes et les lectures mystiques et philosophiques. Voyageuse et exploratrice, elle est fascinée par l'Himalaya où elle a passé de longues années. Elle traverse le Tibet à pied, en pèlerine mendiante, vêtue de la robe aurore, couleur du détachement, de la robe grenat, au Tibet, et aussi de haillons, son déguisement de mendiante. Elle parvient même à vivre deux mois dans la ville sainte et interdite, Lhassa. La « femme aux semelles de vent » s'impose comme une orientaliste respectée. A cent ans et demi, elle fait renouveler son passeport, toujours désireuse de repartir (indications bibliographiques).

Au Maghreb

Isabelle Eberhardt ne pourrait pas découvrir le désert sans s'habiller en cavalier arabe. Son goût pour le travesti est antérieur à son départ pour le Maghreb : une photo la montre, adolescente, à Genève, habillée en marin. Souvent, l'habit d'homme protège de secrètes blessures (viols par inceste, notamment) (source). A vingt ans, elle quitte sa famille d'aristocrates russes exilés en Suisse pour l'autre rive de la Méditerranée. Elle adopte une identité masculine (Mahmoud Saadi), se convertit à l'islam, se marie à Slimène Ehni. Elle rencontre Liautey émerveillé par son caractère « réfractaire », explore les confins algéro-tunisiens, écrit articles et récits sur ses découvertes et meurt à 27 ans, noyée dans la crue d'un oued (indications bibliographiques).

Sportives

Dans les difficultés de l’accès des femmes au sport, la question du costume n’est pas marginale. Pierre de Coubertin fustige la pratique pour les femmes, considérée comme une « exhibition » déplacée. Les journalistes sont curieux des changements en cours.

A la Belle Epoque, dans la presse féminine – principalement dans Fémina – seulement 11 % des « sportswomen » représentées sont en pantalon, en bloomer ou en short. 14 % osent des robes ou jupes courtes (c’est-à-dire longues jusqu’aux genoux). Une très grosse majorité s’active en robes tombant jusqu’aux chevilles (source). L’interdit très fort qui pèse sur le pantalon est d’abord levé par les escrimeuses, à partir de 1905, puis les alpinistes, en 1906 (source).

Les costumes de sport féminins inspirent la mode des années 1920, ces costumes de tennis, de bain, de sport d’hiver sont eux mêmes en constante évolution. Le compromis féminin-masculin trouvé, par exemple, pour le tennis est adopté. En revanche, toujours dans les années 1920 le développement de l’athlétisme et du football féminins qui supposent le short provoquent des commentaires peu amènes.