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Madeleine Pelletier, extrait de L’encyclopédie féministe d’Hélène Brion, anonyme, 1910, papier imprimé, Paris, Bibliothèque Marguerite Durand, © BMD. 

Un pantalon, une tunique, sans corset, ni décolleté : voilà la « femme libre » telle que la rêvent les saints-simoniens des années 1830. Une révolution vestimentaire qui amuse les caricaturistes, mais peu suivie dans la rue.

On retrouve cependant ce souffle utopiste dans l'aile radicale du féminisme de la Troisième République. Astié de Valsayre demande aux députés, en 1887, d' « éliminer la loi routinière, qui interdit aux femmes de porter le costume masculin » au nom de la décence, de l'hygiène, de la simplicité. Pour la première fois, l'ordonnance de 1800 est officiellement contestée. En 1891, des féministes lancent un manifeste pour le port de la culotte.

Au début du XXe siècle, Madeleine Pelletier (1874-1939) relance le combat, en l'enrichissant d'une véritable analyse sociohistorique de l'oppression des femmes. Elle rejette ce qu'il est convenu d'appeler la « féminité », y compris vestimentaire.

La doctoresse Pelletier est vêtue d'un complet masculin ordinaire, porte des cheveux courts, un chapeau melon, une canne. Dans la rue, elle est souvent identifiée comme un homme. En elle, les adversaires de l'émancipation des femmes voient la confirmation de leur prédiction : le féminisme mène à la virilisation des femmes, et donc à l'indifférenciation sexuelle.

Intransigeantes ou conciliantes, les féministes, sinon par leur vêture, du moins par l'image qui est donnée d'elles, jouent un rôle dans le processus de masculinisation des apparences. A la veille de la guerre, même une féministe modérée comme Jane Misme reconnaît que « la jupe, symbole et instrument de l'inégalité des sexes, reste le fétiche auquel on ne touche point sans scandale ». La « femme nouvelle » ose ce scandale.

Utopies

Vingt ans avant le bloomérisme, les socialistes utopistes français réfléchissent à l’influence du vêtement sur le comportement et conçoivent un costume rationnel pour « la femme libre ». Ce costume, qui nous est connu grâce à la gravure de Maleuvre, n’a jamais été porté. Il est trop radicalement nouveau pour être adopté. Sa ressemblance avec le costume mis au point par Amelia Bloomer vers 1850 est frappante.

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Jeune dame Saint Simonienne, Maleuvre, 1832, Paris, Bibliothèque Marguerite Durand, © BMD.

La saint-simonienne

Pour l’époque (1832), cette tenue est masculinisante à un point choquant : la saint-simonienne porte un pantalon, masqué par une tunique. Le pantalon est agrémenté de dentelles, la taille est étranglée par une ceinture. La jeune femme pose une main confiante sur l’œuvre de Saint-Simon. Ce dernier n’est pas l’inventeur de « la femme libre », même s’il reconnaît au soir de sa vie que « l’homme et la femme voilà l’individu social » (source). Mais ses disciples élaborent à partir de 1829 une véritable théorie féministe, alors que le mot est encore inexistant.

Le père Enfantin entend réhabiliter la chair et préparer l’avènement de la femme-messie : « je crois à une prochain régénération du genre humain par l’Egalité de l’homme et de la femme », écrit-il. Les « compagnons de la femme » partent même, en 1833, à la recherche de la messie en Orient. Ce mouvement attire des centaines de femmes éprises de liberté et de justice sociale (Claire Bazard, Eugénie Niboyet, Claire Démar sont parmi les plus connues), mais ne s’habillent pas pour autant en saint-simoniennes. Dans l’utopie vestimentaire représentée ici, il faut plutôt rechercher l’influence de Fourier (dont le père Enfantin était un lecteur attentif). Pour lui, l’éducation ne doit faire aucune différence entre les sexes, y compris sur le plan vestimentaire.

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Caricature dans le Charivari, reproduit dans John Grand-Carteret, La Femme en culotte, 1899, Cham, 1851, © collection particulière.

Aux Etats-Unis : owenistes et blooméristes

Ce dessin d’humour appartient à une vaste série de dessins publiés par la presse européenne et américaine sur le bloomérisme. Celui-ci montre la différence entre le style américain et le style français de masculinisation du costume. Les Françaises changent le haut, les Américaines le bas. Le pantalon reste un tabou suprême pour les Françaises.

Dès 1825, Robert Owen, disciple de Saint-Simon, fondateur de la New Harmony Community, dans l’Indiana, proposa une réforme radicale du costume sous la forme du pantalon-tunique. La plupart des femmes de cette communauté socialiste détestèrent et refusèrent. Il est intéressant de noter que c’est un homme qui a lancé le mouvement de réforme du costume, rencontrant alors le refus des femmes.

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Mme Astié de Valsayre, dessin dans Charivari, reproduit dans John Grand-Carteret, La Femme en culotte (1899), Zut (pseudonyme de Delaplanche), septembre 1889, papier imprimé, © collection particulière.

Astié de Valsayre

Marie-Rose Astié de Valsayre (qui se fait virilement appeler « Astié ») est une des apôtres de la masculinisation du costume féminin. Née en 1846, elle a étudié la médecine et gagne sa vie en écrivant pour des journaux, sous son nom ou sous un pseudonyme. A la fin des années 1880, elle multiplie les initiatives féministes : candidature aux élections de 1889, animation d’un cours de gymnastique dans un patronage laïque pour jeunes filles, fondation de la Ligue socialiste des femmes, puis de la Ligue de l’affranchissement des femmes, création d’un syndicat d’ouvrières de la couture.

Elle réclame le droit de vote, l’ouverture de toutes les études et des professions, l’égalité des salaires. C’est à ce moment intense de son activité qu’elle s’illustre dans le combat pour la rationalisation du costume. Elle-même porte un costume masculin et exige pour les femmes la liberté vestimentaire, en s’adressant à la préfecture de police - qui ne prend pas la peine de lui répondre -, et aux députés, par la voie d’une pétition. Son plaidoyer invoque les malheureuses victimes d’accidents de tramway, d’incendies et de naufrages, « prédestinées à la mort » à cause de leurs vêtements féminins. Les députés lui répondront que « nulle loi n’impose aux femmes les vêtements compliqués dont elles se recouvrent ».

L'adaptation du costume aux différentes activités physiques et sportives est une des préoccupations d'Astié, partagée avec d'autres militantes radicales. Elle pratique le cyclisme, l'escrime et atteint une notoriété scandaleuse en se battant en duel. Très fréquent à la fin du XIXe siècle, le duel est au cœur d'un code de l'honneur… exclusivement masculin. Les femmes, qui n'y ont pas accès, sont, d'une certaine manière assimilés aux hommes déshonorés et inéligibles.

La polémique sur le droit au duel est contemporaine de celle que nous décrivons ici, et l'on y retrouve les mêmes protagonistes : Astié, en particulier, qui s'est battue en duel à Waterloo avec une Anglaise pour un différend sur la supériorité respective des doctoresses françaises et américaines. Lorsque, en 1890, la journaliste Séverine se fait représenter par son amant dans un duel, Astié lui adressa un « blâme sévère » pour n'avoir pas affronté la responsabilité de ses actes. Vingt ans plus tard, Madeleine Pelletier, admiratrice d'Astié, articulera la question de la masculinisation du costume et celle du droit des femmes à résister aux agressions en portant un revolver, mais aussi à se défendre par le duel. Pour ces militantes de l'égalité absolue entre les sexes, la réforme du costume est indissociable des autres revendications féministes : l'accès à toutes les professions, mais aussi à l'instruction. Il s'agit de combattre l'image repoussante du bas-bleu – considérée, explique Astié, comme une « hermaphrodite » - en inversant les préjugés esthétiques qui idolâtrent la « grâce féminine » et estiment « laide » la « femme au physique masculin ». C'est au moment où le féminisme s'affirme comme une force politique, réussissant à capter l'attention de la presse et des partis, qu'émerge la question de la réforme du costume.

« Du costume », par Madeleine Pelletier

Dans sa revue, La Suffragiste, Madeleine Pelletier livre quelques considérations autobiographiques sur l' « affichage vestimentaire » de ses convictions, qui l'isole des autres féministes.

« Du costume », par Madeleine Pelletier, La Suffragiste, n° 46, juillet 1919, p. 9.

« Je vois avec plaisir notre consœur La Lutte Féministe faire campagne pour la virilisation du costume. 
« Que vous êtes heureuse de vous être affranchie du costume, me disait autrefois Hubertine Auclert. – Comment heureuse ? mais si vous trouvez que c'est un avantage, faites en autant. »
Elle n'en fit rien. Pourquoi ? Je ne sais. Souvent les personnes qui se montrent hardies par un côté, croient devoir racheter leur audace en restant timides pour tout le reste.
Je dois dire d'ailleurs que j'ai eu toute ma vie à payer très cher l'affichage vestimentaire de mes convictions féministes et j'ajouterai que c'est dans les milieux dits « avancés » que l'on me fit le plus de critiques. Alors que ma clientèle médicale acceptait mes cheveux courts et mon costume tailleur, les socialistes, voire les féministes, ne pouvaient pas les encaisser.
« Il faut changer votre costume, me disait Hervé, autrement vous n'aurez pas d'influence ; voyez Louise Michel, elle s'habillait comme toutes les femmes. – C'était de sa part une faiblesse que je n'imiterai pas, devrais-je, comme vous le dites, perdre toute influence. Je ne m'abaisse pas jusqu'à la sottise humaine ; tant pis pour elle si elle refuse de me comprendre, je ne m'habillerai pas en asservie… »
Le costume provoquant que portent les femmes est le symbole de l'offre permanente qu'elles font de leur personne à l'autre sexe ; comme la déformation du pied des chinoises, il est la marque d'un esclavage ignominieux.
Si je m'habille comme je le fais c'est parce que c'est commode, mais c'est surtout parce que je suis féministe ; mon costume dit à l'homme : « Je suis ton égale. »
Les hommes le comprenaient bien et c'est pourquoi ils ne voulaient pas l'admettre ; [...] je me fis faire un costume masculin et je le portai. On m'a assuré que cela ne m'allait pas mal. M.P. »

« De la toilette », par Madeleine Pelletier

« De la toilette », par Madeleine Pelletier, La Suffragiste, n° 46, juillet 1919.

1ère partie :
 Madeleine Pelletier analyse la différence des sexes en matière d’habillement.

« L’homme s’habille pour la vie ; la femme s’habille pour l’amour. Devant la glace de son cabinet de toilette, alors qu’il dispose cheveux et moustaches, l’homme n’est pas sans songer à l’effet qu’il produira sur les femmes ; mais si l’amour entre en ligne de compte dans l’ordonnance de sa figure et de sa cravate, le reste de son ajustement est fait avant tout pour la vie.

Il est d’abord un individu ; sa fin est en lui-même ; il s’agit donc pour lui avant tout d’être vainqueur dans le combat de l’existence, aussi son habillement vise-t-il à la commodité. L’étoffe s’adapte au corps ; les membres, libres, peuvent exécuter sans gêne tous les mouvements.

L’élégance ne lui est pas indifférente, mais il préfère laisser à son tailleur le soin d’y penser pour lui. Pourvu que ses habits soient à l’unisson de son milieu social, il est satisfait. Parmi les hommes certes, il en est qui se préoccupent d’avantage de leur extérieur, qui cherchent des coupes excentriques ; des cravates à effet, qui passent de longues minutes à se faire une tête. Mais le reste du sexe les blâme, et pour leur montrer le mépris qu’ils lui inspirent, il les traitent d’efféminés ; d’hommes qui sont comme les femmes.

A mesure que grandit pour elle sa place dans le combat de la vie, par la force des choses, la femme cesse de s’habiller uniquement pour l’amour ; les vertugadins, les crinolines, les larges robes incommodes ont disparu pour faire place au costume tailleur correct à jupe collante. Aux chapeaux chargés de falbalas on préfère le feutre souple avec un simple ornement ; c’est plus pratique pour aller par les rues ; on peut plus facilement l’enlever, l’accrocher à une patère. Disparus aussi les dessous compliqués, les multiples jupons empesés où nos grand’mères perdaient leurs jambes ; la culotte de jersey dont l’usage se généralise, permet de se passer de jupons ; et beaucoup de femmes d’aujourd’hui ou bien s’en passent en effet ou bien n’en mettent plus qu’un » (…).

2ème partie : la doctoresse Pelletier critique la position des féministes. Son rejet du genre féminin lui vaut la forte réprobation des féministes pour qui l'égalité des sexes n'implique pas nécessairement le dépérissement de la “ féminité ”. Ses rapports sont à peine plus commodes avec les radicales, qui ne le sont… jamais assez à ses yeux. 

« (…) Je surprendrai certainement plus d’un lecteur et plus d’une lectrice quand je leur dirai que loin de pousser à cette évolution, les militantes du féminisme bien au contraire la combattent.

J’étais navrée, je l’avoue, lorsque je vins au féminisme actif, de voir devant moi ces visages peints, ces têtes ornées de fleurs et d’oiseaux tantôt frais, tantôt fanés, selon la bourse de leurs propriétaires. Je me sentais prise de honte d’appartenir à un sexe aussi frivole. Quelle honte en effet de mettre en un autre la raison de sa vie, de passer des heures à se faire le visage, des journées à combiner, souvent pour le résultat le plus inesthétique, la couleur d’une étoffe à celle d’un ruban. La femme qui fait ainsi n’est pas une personne, c’est une poupée, une marionnette ; elle n’est pas à elle, elle est à celui qui la voudra, pour le temps qu’il la voudra. On l’appelle femme de luxe, par analogie aux chiens de luxe.

Et que dire des vieilles au visage plâtré, aux lèvres peintes dont le sourire de serve semble implorer le sexe orgueilleux : Ne suis-je pas encore désirable ainsi ?

Certes, il ne saurait être question de bannir l’amour ; sans l’amour pas d’humanité, mais l’amour doit être dans l’égalité et non dans l’offrande de la femme à l’homme. Une belle tête ne perdra rien de son charme pour ne pas être adornée d’oiseaux.

Pas plus que l’amour le féminisme ne proscrit l’élégance. Nos adversaires le prétendent ; mais que ne prétendent-ils pas ? Un costume tailleur bien fait est beaucoup plus élégant qu’une robe chiffonnée même par la bonne faiseuse. La femme qui le porte donne l’aspect d’une personne, d’un être pensant et voulant ; la robe à fanfreluches ne fait songer qu’à la ménagère quand c’est une robe bon marché, à la courtisane quand c’est une robe chère.

Les féministes, nous l’avons dit, se montrent rétrogrades dans leurs ajustements ; loin de devancer la masse des femmes, elles restent en arrière. Cela au fond s’explique ; le sexe esclave est naturellement le sexe timide, et le fait de revendiquer des droits apparaît tellement osé aux revendicatrices elles-mêmes qu’elles veulent racheter leur audace en se montrant pour tout le reste plus féminines que les femmes qui ne formulent point de revendications.

Les groupes féministes qui s’occupèrent de la réforme du costume, aboutirent à un résultat de beaucoup inférieur à celui de la mode, laquelle est malgré tout forcée de s’inspirer un peu des nécessités de la vie ; elles bannirent totalement le corset et adoptèrent la robe-peignoir. J’ai vu, il y a quelques années, dans un congrès d’Allemagne, des femmes vêtues du costume réformé, c’était affreux. Sous l’étoffe mince des chairs flasques pendaient ; les obèses, le ventre proéminent, les seins tombés, avaient l’air d’allaiter des douzaines de nourrissons. Il est bon de répudier la poupée ; mais il ne faut pas lui substituer la femelle animale ; on n’allaite pas un congrès !

Je ne saurais trop vous le répéter, Mesdames ; la femme ne s’émancipera qu’en se virilisant. Et n’allez pas prendre la tangente en disant que le costume n’a pas d’importance ; il en a beaucoup au contraire. Ce n’est pas sans raison qu’on met un uniforme aux soldats, un habit au religieux. On habille ces hommes de manière semblable ; tout au moins dans l’ordre d’idées auquel l’uniforme correspond. Un esprit indépendant, une volonté puissante ne saurait habiter des oripeaux de dentelles, sous un bonnet de grand’mère seule une pensée défaillante peut s’abriter. Ayez donc le courage, Mesdames, d’être ce à quoi vous aspirez ».

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Carte postale adressée à Marguerite Durand, H.C. Wolf éditeur, date inconnue, carte postale, 9 x 13,9 (cm), Paris, Bibliothèque Marguerite Durand, © BMD.

Un féminisme vraiment radical

Le féminisme a toujours été associé à une volonté de masculinisation des femmes. Néologisme du XIXe siècle, le féminisme désigne d'abord une pathologie qui féminise les hommes en modifiant les caractères sexuels secondaires. C'est Alexandre Dumas fils (1824-1895) auteur dramatique et romancier, auteur de la célébrissisme Dame aux camélias (1848) qui a l'idée de détourner le mot, en 1872, dans un petit livre, L'Homme-femme où il s'efforce de justifier le meurtre de la femme adultère par son mari. Les féministes ripostent : La Femme-homme ; Eve contre Monsieur Dumas-fils... Et parviennent à rallier à leur cause l'écrivain qui s'impliquera dans la réforme du divorce, l'autorisation de la recherche de paternité, le droit de vote des femmes. Ces origines troubles laissent des traces, même après la banalisation du mot à la fin du XIXe siècle.

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L'affaire Hélène Brion au 1er Conseil de Guerre, couverture de la Revue des Causes Célèbres, anonyme, mai 1918, papier imprimé, Paris, Bibliothèque Marguerite Durand, © BMD.

Nous avons vu aussi qu'une minorité de féministes revendique une certaine masculinisation. Les adversaires du féminisme ont tendance à prendre la partie pour le tout, bien qu'elles ne soient pas représentatives de l'ensemble des militantes.

Le moyen le plus éloquent pour camper un féminisme vraiment radical est de suggérer l’inversion des genres, comme le fait l’auteur de cette carte postale sur le fameux quotidien féministe fondé en 1897.

Au lieu de représenter la fondatrice du journal, Marguerite Durand, ancienne comédienne et séductrice toute en féminité, le dessinateur choisit de montrer une femme en travesti. La Fronde est écrite, composée, imprimée, vendue par des femmes, ce qui lui donne une connotation très radicale. Le dessin évoque peut-être Marc de Montifaud (notice), collaboratrice du journal et authentique travestie.

Masculiniser une féministe pour la dénigrer est un procédé banal. Un exemple parmi bien d’autres : la presse pendant le procès d’Hélène Brion, institutrice féministe et pacifiste. En mars 1918, après quatre mois de prison à St Lazare, elle passe devant un Conseil de guerre. Elle s’y défend avec brio. Les commentateurs cherchent la faille dans sa personnalité, sa stratégie de défense, son comportement et trouvent la confirmation de leur suspicion dans la présence de cette lavallière trop large. Et les culottes de zouave qu’elle portait pour servir la soupe populaire à Pantin alimenteront bien des fantasmes ! 

La masculinité vestimentaire des féministes est d’abord et avant tout une invention destinée à stigmatiser. Toutefois le cliché recoupe le réel dans les rares cas où des militantes assument cette transgression.

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