Autoriser

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Permission de travestissement accordée à Mlle Adèle Sidonie Louis (DB 58), Préfecture de Police, 1862, Paris, Archives de la Préfecture de Police de Paris, © Archives de la Préfecture de Police de Paris. 

L'ordonnance de 1800 prévoit des autorisations délivrées par la préfecture de Police, au vu de certificats d'un médecin et du maire ou commissaire de police de la commune où la requérante est domiciliée. Des centaines d'autorisations sont données à Paris au XIXe siècle. Leur nombre exact est inconnu, car les archives sont très lacunaires.

Pour demander une autorisation, mieux vaut mettre en avant des raisons « médicales ». La pilosité excessive (l'hypertrichose) peut être invoquée (Clémentine Delait, célèbre femme à barbe, obtient l'autorisation en 1900).

Rosa Bonheur, la peintre française la plus célèbre du XIXe siècle, a demandé l’autorisation, pour des raisons qui n’ont rien de médical. Elle s’en explique dans ses mémoires. En revanche, George Sand passe d’un genre à l’autre sans prévenir la police.

En revanche, les femmes qui exercent des métiers masculins (imprimeur, tailleur de pierre, serrurier, palefrenier, peintre en bâtiment…) en se faisant passer pour hommes (et en décuplant ainsi leurs gains) risquent un procès. L'usurpation d'identité est interdite.

Les autorisations accordées sont exceptionnelles. En 1890, une dizaine de femmes seulement seraient autorisées, selon la presse.

La femme à barbe en travesti

Clémentine Delait (1865-1939), « femme à barbe », vend elle-même les cartes postales où elle pose « en gentleman » dans son jardin de Thaon-les-Vosges. Cette « forte femme », patronne de bistrot, réputée pour sa bonne humeur, a une barbe fournie qu’elle a renoncé à raser en 1900, à la suite d’un pari. Elle porte un costume d'homme, munie de l'autorisation du ministre de l'Intérieur en personne.

Bonne épouse et bonne mère, commerçante sympathique, indifférente à l'argent que son anomalie assumée pourrait lui procurer facilement, Clémentine, bien que travestie, reste socialement une femme. Respectant ses devoirs familiaux, munie de l'autorisation suprême du ministre de l'Intérieur, elle ne menace en rien l’ordre social.

Les femmes à barbe sont rarement montrées habillées en hommes. En effet, c'est l'opposition entre sexe et genre qui est recherchée. Ainsi, le préparateur de l'Ecole de médecine qui naturalise un buste de femme à barbe vers 1881 l'habille avec un col de dentelle blanche (ce buste est conservé au musée Orphila, Paris). « Pour la conscience populaire, la femme à barbe est un être équivoque. Elle appartient à la fois au règne animal et à l'espèce humaine. Elle est à la fois homme et femme. Son existence manifeste l'instabilité des lois biologiques et de ce fait semble inquiéter l'homme sur son propre statut d'être humain » (1).

Note :
[1] Le Fait divers, catalogue du Musée des arts et traditions populaires, 1982.
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Portrait de Rosa Bonheur dans Le Petit Journal, supplément illustré, n° 132, anonyme, juin 1893, papier imprimé, Paris, Bibliothèque Marguerite Durand, © BMD.

Rosa Bonheur, travestie autorisée

Rosa Bonheur (1822-1899) est célèbre ; elle est une des rares femmes à jouir d’une place reconnue dans l’histoire de la peinture. De son vivant, elle est exposée, médaillée (l’impératrice Eugénie la décore de la légion d’honneur), connue dans le monde entier… et nullement inquiétée pour cette menue excentricité : s’habiller en homme.

Peintre animalière, elle ne peut entrer dans les abattoirs, réservés aux hommes. Elle demande une autorisation officielle pour se travestir, qu’elle obtient « pour raisons de santé » et à condition qu’elle ne se produise pas ainsi habillée sur une scène. Point de scandale : Rosa Bonheur est une originale sûre d’elle, qui vit en totale liberté, hors des conventions, comme l’y encourage d’ailleurs l’éducation saint-simonienne qu’elle a reçue, dans une famille d’artistes.

Chez elle, dans une grande demeure à la lisière de la forêt de Fontainebleau où elle vit avec sa compagne Nathalie Micas puis avec sa future biographe, Anna Klumpke, elle porte bien sûr le pantalon, fume cigarettes et havanes, et soigne ses animaux chéris. Son atelier de By est aujourd’hui un petit musée.