Jeanne la patriote

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La France confiante dans le Sacré-Cœur, anonyme, 20e siècle, carte postale, 9 x 14 (cm), Poitiers, collection particulière, © droits réservés. 

Jeanne d’Arc, libératrice de la France. L’Alsace et la Lorraine confiantes dans l’avenir (recto), éditions Weick à Saint-Dié, date inconnue, carte postale, 9 x 14 (cm), collection particulière, © droits réservés.

Révélatrice de la patrie pour Michelet et « messie de la nationalité » pour Henri Martin, Jeanne d'Arc devient, après la défaite militaire de 1871 et la perte de l'Alsace-Lorraine, la « patronne des envahis » (Paul Déroulède). Malgré leurs oppositions idéologiques, leurs combats divergents et les décalages chronologiques qui les séparent, ces trois hommes sont d'accord sur le rôle inspirateur de « la sainte patriote » et usent d'une même phraséologie, lyrique et nationaliste, pour glorifier leur commune héroïne et galvaniser, à travers elle, les énergies des Français et les préparer à la revanche sur les « Boches ».

Tandis que se construit, de 1876 à 1910, en signe de rédemption et grâce à une souscription nationale, la basilique – romano-byzantine – du Sacré-Cœur, un projet de fête annuelle en l'honneur de Jeanne d'Arc est lancé en 1884. Il n'aboutit que l'année de la canonisation en 1920, mais cette initiative des républicains (et non des milieux catholiques) montre une étonnante convergence des esprits autour du mythe johannique. L'exaltation patriotique     qu'il autorise et consolide, conforte en retour une image de Jeanne de plus en plus militarisée.

Face au Boche

En prière ou dressée vers le ciel, Jeanne y porte cuirasse, long surcot, épée et étendard. Des armes brisées sur le sol y rappellent la défaite essuyée en 1871, tandis que des silhouettes moins martiales, l’Alsace à grand nœud et sa compagne, la Lorraine, gémissent sur leur rattachement à l’Allemagne. Dans des cieux traversés de nuées, la Vierge semble cependant leur promettre un destin meilleur. Le message est clair, martelé par des légendes explicites : l’intercession de Jeanne sauvera – encore – la France, si la nation reste confiante et croyante. Une phraséologie grandiloquente qui contraste – drôlatiquement – avec les correspondances du verso : ici un « Bonjour » non signé, adressé à une dame d’Orléans ; ailleurs un « Merci pour la joie que vous avez donnée à mon Lou », etc.

Face aux Anglais et autres ennemis de l’intérieur

  • Michelet, Jeanne d’Arc, Paris, 1853

« Souvenons-nous toujours, Français, que la patrie chez nous est née du cœur d’une femme, de sa tendresse, de ses larmes, du sang qu’elle a donné pour nous. [...] Il existait dans les cœurs des sentiments isolés qu’il ne s’agissait que de confondre en un seul, de même qu’il y avait sur tous les points du territoire des forces morcelées que le mystère était de réunir pour en composer la force nationale. Ce sont ces deux choses-là que Jeanne d’Arc vint accomplir en France. »

(cité par Michel Winock, « Jeanne d’Arc », in Pierre Nora dir., Les lieux de mémoire. T. 3 : Les France, Paris, Gallimard, Quarto, 1997, pp. 4448-4449).

  • Mgr Ricard en 1894

« Exaltez en la personne de Jeanne, le patriotisme chrétien, afin de protéger la France contre les alliances armées qui la menacent, afin que, comprenant que Jésus-Christ est son maître [...] et qu’elle puisse, dans l’esprit et la vertu de cette vaillante et sainte vierge, reconquérir ses frontières, reprendre sa place dans le monde, et accomplir envers vous son devoir de fille aînée »

(cité par Michel Winock, « Jeanne d’Arc », in Pierre Nora dir., Les lieux de mémoire. T. 3 : Les France, Paris, Gallimard, Quarto, 1997, p. 4454).

  • Alphonse Halimi

« Quand le boxeur Alphonse Halimi, juif pied noir, devient champion du monde poids coq, après avoir battu son adversaire britannique, la première réflexion qui lui vient à l’esprit, devant le micro de radio qu’on lui tend, c’est de dire tout simplement : 'J’ai vengé Jeanne d’Arc !' ».

(Michel Winock, « Jeanne d’Arc », in Pierre Nora dir.,Les lieux de mémoire. T. 3 : Les France, Paris, Gallimard, Quarto, 1997, p. 4430).