Jeanne la glorieuse

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Jeanne d’Arc au sacre du roi Charles VII, Ingres, 1854, huile sur toile, Paris, Musée du Louvre, © RMN.

On ne sait si ces changements furent apportés à l’initiative d’Ingres, de Pichon ou des édiles orléanais soucieux de promouvoir leur héroïne locale, mais ils modifient quelque peu l’image de Jeanne, ici plus guerrière que femme, moins sainte qu’héroïque.

Lettre d’Ingres

à Eugène Vignat, maire d’Orléans, le 18 juin 1858

"Je suis heureux d’avoir pu remplir votre attente au sujet de l’exécution du tableau de Jeanne d’Arc ; le succès de cette reproduction me dédommage amplement des soins que j’i (sic) ai mis à diriger plusieurs changements de costume, d’effets et de phisionomies (sic) qui font vraiment de cette copie un nouvel original"

(in Jeanne d’Arc. Les tableaux de l’Histoire, Rouen et Paris, RMN, 2003, p. 171).

Jeanne à l’école

Avant le grand tableau de 1854, Ingres avait fourni une première esquisse de Jeanne pour une gravure insérée dans Le Plutarque français. Vie des hommes et femmes illustres de la France, paru entre 1844 et 1847. Ce dessin, expressif et en noir et blanc, est repris dans bon nombre de manuels d’histoire mais subit diverses simplifications et retouches, selon qu’il est reproduit tel quel ou inversé, encadré ou mêlé au texte, isolé ou flanqué d’autres images (la bergère, la martyre), selon – surtout – que le visage de l’héroïne est tourné vers le ciel ou vers le lecteur.

La critique d’une œuvre collective

Ingres (1780-1867) semble avoir été satisfait d’un travail qui fut collectif, puisqu’en juin 1854, il écrit à un ami :

« Ma Jeane (sic) est superbe et va vite en besogne ; le fond en est véritablement fait. Enfin un tableau où tout se détache et dans les conditions d’un brillant effet. Ce brave Balze fait merveille » (cf.).

Plusieurs membres de l’atelier d’Ingres (dont Paul-Raymond Balze, 1818-1909, lui même auteur, en 1877, d’une Jeanne d’Arc à Patay) ont en effet collaboré à cette commande, et aidé à mettre en place le décor et les figures secondaires : un moine franciscain, un page et Ingres lui-même qui, à l’extrême gauche et le visage tourné vers la scène centrale, apparaît habillé en écuyer de la Pucelle. C’est d’ailleurs sur l’initiative du peintre que celle-ci porte une auréole et est ainsi assimilée à une sainte, quinze ans avant les premières démarches lancées en cour de Rome par mgr Félix Dupanloup, évêque d’Orléans de 1869 à 1878, en faveur de l’ouverture d’un procès en canonisation.

Cette Jeanne fut peu admirée des critiques d’art. L’un d’eux (Jules Breton) allant jusqu’à dire : « tout est en zinc, sauf la cuirasse qui est en carton » (cf.).