Jeanne-Baptiste de Bourbon, 31e abbesse de Fontevraud

Coordination scientifique : Patricia Lusseau

Le chef d'ordre

Lettre autographe de Jeanne-Baptiste de Bourbon (cote 125H2) (deux pages), Jeanne-Baptiste de Bourbon, juillet 1647, Angers, Archives départementales de Maine-et-Loire, © Archives départementales de Maine-et-Loire. 

Les bulles pontificales et les documents royaux qualifient l'abbesse de "caput ordinis", chef de tout l'ordre. Les statuts accordés par le pape Pie II la disent "Mère, Directrice, Chef, Patronne et Ordinatrice entière des religieux et religieuses", puis ceux par Grégoire XV et Urbain VIII y ajoutent le titre de "Supérieure". Jeanne-Baptiste de Bourbon s'octroie celui de "Chef et Générale de l'abbaye et de l'Ordre de Fontevraud".

Elle gouverne un ordre autocéphale et double, qui suit la règle de Saint Benoît pour les femmes et celle de Saint Augustin pour les hommes. Elle exerce sur l'ensemble de ces religieuses et religieux une pleine puissance et juridiction, grâce à l'étendue de ses privilèges ecclésiastiques et royaux. Pour exemple, dans la lettre autographe ci-contre signée "L. de France", Jeanne-Baptiste de Bourbon s'adresse au visiteur de la province d'Auvergne au sujet du conflit entre la prieure de Brioude et le confesseur du prieuré : elle lui donne pouvoir de régler le litige entre la prieure et le confesseur. Par ailleurs, elle nomme et révoque, à son gré, les religieux, dans les fonctions de prieurs, confesseurs, vicaires généraux (leur délégant momentanément une parcelle de son autorité comme le montre cette lettre) et d'officiers. Elle gère un immense temporel, entourée de discrètes ou d'officières et d'officiers compétents et efficaces.

Seule une femme d'une grande personnalité et possédant une puissance reconnue de tous peut accéder à cette charge. Bien qu'élue par la communauté, elle doit obtenir l'aval du roi. Louis XIII ne déroge pas à cette règle en approuvant la désignation de Jeanne-Baptiste comme coadjutrice. De cette manière, il influe sur la future élection de sa demi-sœur comme chef d'ordre. Forte de ce soutien, elle conçoit son rôle comme celui d'une souveraine absolue.

Lettre autographe de Jeanne-Baptiste de Bourbon

Par cette lettre, Jeanne-Baptiste de Bourbon donne pouvoir à son visiteur de régler le litige entre la prieure et le confesseur. Ce dernier se plaint du contrôle permanent de la prieure de Brioude, puisqu'il lui reproche d'utiliser une écoute (une sœur écoute accompagne toute religieuse ou pensionnaire) au parloir et qu'elle veut en mettre une près du confessionnal.

Sceau de Jeanne-Baptiste de Bourbon

Sceau de Jeanne-Baptiste de Bourbon, anonyme, 17e siècle, cire jaune, Fontevraud, Centre Culturel de l'Ouest, © Centre Culturel de l'Ouest.

Signer "L. de France"

Jeanne-Baptiste de Bourbon appose toujours à sa signature, L. de France (légitimée de France). Sa légitimation, comme fille de France, par le roi Henri IV, son père, est très importante. D'un statut de bâtarde, elle passe à celui d'une enfant légitime. Fière de ses origines, elle tient à afficher cette reconnaissance officielle, dans tout document, car cela lui permet de justifier et d'affermir son pouvoir, à la direction de l'ordre de Fontevraud.

Par cette lettre, elle donne pouvoir à son visiteur de régler le litige entre la prieure et le confesseur. Ce dernier se plaint du contrôle permanent de la prieure de Brioude, puisqu'il lui reproche d'utiliser une écoute (une sœur écoute accompagne toute religieuse ou pensionnaire) au parloir et qu'elle veut en mettre une près du confessionnal.

Le sceau de Jeanne-Baptiste de Bourbon diffère légèrement de ses armoiries. Les deux anges remplacent les palmes entourant le blason. On reconnaît cependant les armes des Bourbons (trois fleurs de lys), le bâton brisé des enfants légitimés, la couronne royale et la crosse.

L'ordre de Fontevraud

Carte des prieurés de l’Ordre de Fontevraud pendant l’abbatiat de Jeanne-Baptiste de Bourbon

Carte des prieurés de l’Ordre de Fontevraud pendant l’abbatiat de Jeanne-Baptiste de Bourbon, Patricia Lusseau, 2005, © Musea.

De nombreux prieurés, sur le territoire du royaume de France, ont été fondés dès le XIIe siècle, puis aux siècles suivants ; cependant quelques uns, comme ceux de la Flèche (bref pontifical de 1621 et lettres patentes royales de 1625) et de Vic-Le-Comte (1647) datent du XVIIe s. La localisation montre l'extension et le rayonnement de l'ordre du sud pyrénéen au nord de la France, en passant par le centre et surtout l'ouest. En effet, l'abbaye-mère essaime autour d'elle de nombreuses communautés fontevristes. Il est donc logique qu'il y ait une concentration très nette dans la France de l'ouest. Une liste fait mention de 63 prieurés, mais entre temps certains sont transformés en domaines. En 1640, un inventaire des revenus de Fontevraud, transmis au roi, mentionne le nombre de 52 couvents. À cette période, il n'en existe plus à l'étranger, comme auparavant en Angleterre et en Espagne. À la fin du XVIIIe siècle, l'ordre possède encore une cinquantaine de prieurés.