L'administratrice des privilèges de l'ordre
L'abbesse de Fontevraud fait valoir et défend des privilèges ecclésiastiques et royaux importants. Les premiers, octroyés par le pape Pascal II lui permettent de dépendre directement de Rome et par conséquent d'être exempte de toute juridiction épiscopale pour recevoir à la profession, d'accorder aux moniales droit de visite ou sortie, de donner l'excommunication et la discipline monastique, de nommer les confesseurs et de gérer le temporel et les taxes. Ils lui octroient aussi une juridiction spirituelle sur des paroisses liées aux Fontevristes et les cures qui en dépendent (Fontevraud, Orsan, etc.). Les papes lui concèdent l'autorisation de modifier le rituel des offices religieux et lui accordent des indulgences pour son ordre.
Les seconds privilèges sont dus à la double protection royale, des rois d'Angleterre (Henri II Plantagenêt, comte d'Anjou), puis de ceux de France. Ils portent sur la juridiction (faire évoquer les procès au Grand Conseil, tant pour le spirituel que pour le temporel) et sur la fiscalité (exemptions des décimes, de la gabelle, des péages, du logement de guerre). La confirmation royale des privilèges de l'ordre ci-contre mentionne notamment une confirmation d'évocation générale de ses procès et différends au dit Grand Conseil.
L'abbaye de Fontevraud conserve, contrairement à celle de Jouarre, ce statut de véritable petit diocèse monastique et autonome grâce à la protection royale. Celle qui se dit la "plus grande dame du pays" est la première abbesse de France et presque l'égale des évêques. Ceux-ci pensent qu'elle possède là des pouvoirs bien trop excessifs vu son sexe, d'autant que ses privilèges entament leur propre autorité dans les diocèses où sont situés l'abbaye et les prieurés.
Le "thrésor" de Fontevraud, par Jean Lardier
Le "thrésor de l'Ordre de Fontevraud", 1646-1658, concerne l'inventaire des titres de l'abbaye. Il se compose de l'énoncé des bulles et privilèges des papes et de l'analyse de l'histoire de l'ordre, à travers ces actes pontificaux, par Dom Jean Lardier. Cet homme, né le 25 décembre 1601, à Château-Gontier, est reçu profès de l'ordre de Fontevraud le 17 août 1622. Jeanne-Baptiste de Bourbon le nomme prieur, en 1640, de Saint-Jean de l'Habit et visiteur en 1643 (fonction qu'il accomplit jusqu'au moment de son décès, lors d'une visite en Poitou, en 1660). Il assume également les tâches de bibliothécaire, d'archiviste et se consacre à l'étude de l'ordre à la demande de l'abbesse. Il rédige plusieurs ouvrages importants dont la « Sainte Famille de Fontevraud » (1650) et les « Véritables Idées de l'Ordre de Fontevraud » (1659).
Sur cette page de titre du premier volume du trésor de Fontevraud, on peut remarquer en bleu, le nom de l'abbesse suivi de son L. de France, tout comme le fond du blason, d'azur à trois fleurs de lys d'or, barré d'un bâton rouge brisé (signe des enfants légitimés) et non du bâton de gueules. Au-dessus de ces armoiries des Bourbons s'ajoute la couronne royale et la crosse abbatiale qui les traverse en leur centre. Ainsi les deux attributs du pouvoir, temporel et spirituel, caractérisent les armes de cette abbesse. Des palmes groupées en plumets entourent l'écu. Différentes abbesses utilisent aussi cette symbolique chrétienne qui commémore l'accueil triomphal de Jésus, par ses disciples, avec des rameaux de palmiers, lors de son entrée à Jérusalem.