Louise Weiss réveille le suffragisme
Journaliste, fondatrice de L'Europe nouvelle (1918-1934), Louise Weiss (1893-1983) s'investit dans le combat suffragiste tardivement (1934) pour une brève période (deux ans), mais avec efficacité et brio.
Elle crée sa propre association, La Femme nouvelle, se porte candidate aux élections de 1935 et de 1936 pour un scrutin parallèle, et surtout, organise plusieurs manifestations spectaculaires. Louise Weiss sait attirer micros et caméras et rassemble ses petites troupes en divers points stratégiques: place de la Bastille, Chambre des députés, Grand prix de Longchamp, Coupe de France de football… Ses méthodes de « suffragette », son mépris pour le féminisme timide et « oiseux », son égocentrisme irritent les féministes de longue date mais, plus que les autres figures du mouvement – Germaine Malaterre-Sellier, Marie-Louise Puech, Suzanne Grinberg, Marcelle Kraemer Bach, Marguerite Pichon-Landry, par exemple sans oublier Cécile Brunschvicg -, c'est elle qui a marqué la mémoire collective, d'abord en raison de la diffusion de ses Mémoires d'une Européenne, ensuite parce qu'elle fut très symboliquement la doyenne du parlement européen en 1979.
Politique et art gastronomique
Cette photographie datée du 15 février 1936 est accompagnée de ce commentaire de presse :
« Politique et art gastronomique… Voulant démontrer que l'activité politique n'empêche en rien d'être bonne ménagère ; les femmes françaises, sous l'œil de Mademoiselle Louise Weiss (tenant la louche), présidente du parti féminin, préparent un repas qui doit être servi aux membres de la presse ; dans le restaurant du Grand Palais ».
Germaine Malaterre-Sellier (1889-1967)
D'abord active dans des oeuvres sociales (patronages, logements ouvriers, cercles d'études, dispensaires et ouvroirs), Germaine Sellier, infirmière major de l'Association des Dames de France, devient une héroïne de la Grande guerre : elle reçoit en 1915 la croix de guerre avec palmes pour avoir continué à soigner les blessés sous les bombardements de Soissons, malgré ses propres blessures. Après 1918, cette catholique progressiste proche de Marc Sangnier se rallie à la cause de la paix. Elle devient vice-présidente de l'union féminine pour la SDN et de la Ligue internationale du désarmement moral par les femmes, et préside la section Paix du CNFF. À la fin des années trente, elle s'investit dans le Rassemblement universel pour la paix, préside la commission Paix du Conseil international des femmes. Mais elle ne défend pas un pacifisme inconditionnel : en 1938, elle organise une Conférence féminine internationale pour la défense des démocraties. Suffragiste, elle est aussi secrétaire générale puis vice-présidente de l'UFSF. A la Libération, elle préside la Ligue des femmes électrices.
Marie-Louise Puech (1876-1966)
Angliciste, Marie-Louise Puech forme avec le professeur Jules Puech un couple de militants pacifistes. Marie-Louise se consacre au développement de l'Union féminine pour la SDN dont elle est secrétaire générale (1920) puis présidente (1930). Elle est aussi l'une des dirigeantes de l'Association française des femmes diplômées des universités et appartient au comité central de l'UFSF. Son mari est, lui, secrétaire de La Paix par le Droit et consacre ses travaux historiques aux saints-simoniens, à Flora Tristan. De retour dans sa région natale du Tarn pendant l'Occupation, Marie-Louise Puech aide des réfugiées françaises et étrangères recherchées par les Allemands qui les recherchaient. Marie-Louise Puech défend en pratique pendant les années noires les principes de solidarité internationale qu'elle a essayé de promouvoir comme représentante de la Fédération internationale des femmes diplômées des universités à l'Institut de coopération intellectuelle de la SDN. Elle a tout particulièrement œuvré pour l'amitié franco-canadienne.
Suzanne Grinberg (1889-1972)
Lorsqu'elle prête serment en 1909, Suzanne Grinberg devient la neuvième avocate en France. Elle consacre ensuite une grande partie de son temps au suffragisme. Membre du comité central de l'Union française du suffrage des femmes dès 1914, elle s'occupe de la section juridique et devient vice-présidente de l'association dans les années 1930. Elle représente la France au bureau de l'Association internationale pour le suffrage des femmes et occupe le poste de secrétaire de l'Union féminine pour la Société des Nations.
Elle s'investit aussi dans le domaine corporatif. Professeur de droit à HEC Jeunes filles, auteure de plusieurs ouvrages sur les droits des femmes, elle crée l'Association des femmes juristes. Elle est la première femme admise à la direction de la Confédération des travailleurs intellectuels et à l'Association nationale des avocates, et en 1933, la première à recevoir la légion d'honneur à titre professionnel.
Marcelle Kraemer-Bach (1889-1990)
Issue d'un milieu aisé, elle fait très jeune l'expérience d'un mariage calamiteux aussitôt suivi d'un divorce. En 1920, elle devient avocate, métier qu'elle exerce pendant 54 ans. Elle préside la Fédération internationale des avocates (fondée en 1929). Membre de l'Union française pour le suffrage des femmes à partir de 1918, elle y occupe diverses responsabilités nationales et donne de nombreuses conférences suffragistes. Egalement tentée par la politique, Marcelle Kraemer-Bach rejoint en 1924 le Parti radical. Elle est en 1932 secrétaire du bureau de ce parti auquel elle reste fidèle. Jusqu'à la fin de sa vie, elle multiplie les activités sociales.
Marguerite Pichon-Landry (1878-1972)
Après ses études au Collège Sévigné, Marguerite Landry participe à la création de la Maison et de l'Association des étudiantes. En 1903, elle épouse le juriste Adolphe Pichon. Par sa famille, elle appartient à un milieu intellectuel radical-socialiste (son frère est ministre à plusieurs reprises).
Ses soeurs sont également féministes : Marie Long est la première femme chef de clinique, et la doctoresse Thuilier Landry fonde l'Association des femmes médecins. Marguerite Pichon-Landry, comme la plupart des féministes, est très active pendant la guerre de 1914-1918. Elle se charge de l'Office de renseignement des familles dispersées. Elle s'engage dans la bataille suffragiste en rejoignant l'Union française pour le suffrage des femmes dont elle est vice-présidente jusqu'à la fin des années trente. C'est surtout au CNFF que Marguerite Pichon-Landry s'investit : elle préside la section Législation (1914-1927), devient secrétaire générale en 1929, puis présidente de 1932 à 1952. Elle participera ensuite à la fondation de l'Union fédérale de la consommation. Elle a obtenu la médaille de la résistance et le grade de chevalier de la Légion d'Honneur.
Cécile Brunschvicg (1877-1946)
Née en 1877 dans une famille bourgeoise, Cécile Kahn passe " clandestinement " son brevet supérieur à 17 ans. C'est semble-t-il son mari, le philosophe Léon Brunschvicg membre de la Ligue des droits de l'Homme puis de la Ligue des électeurs pour le suffrage des femmes, qui l'encourage à s'investir dans le militantisme féministe.
Rapidement, Cécile Brunschvicg devient secrétaire générale puis présidente (1924) de UFSF qu'elle dirige jusqu'en 1946. En 1924, elle succède à Jane Misme à la direction de La Française et adhère au Parti radical. Elle présente sa candidature aux élections de 1929 sous l'étiquette du CNFF, et participe activement aux États généraux du féminisme.
Nommée sous-secrétaire d'État à l'Éducation nationale dans le gouvernement de Front populaire le 4 juin 1936, elle devient en 1937 vice-présidente du Conseil supérieur de l'enfance. Menacée par les persécutions antisémites et par son appartenance au gouvernement de Front populaire, elle trouve refuge dans le Midi sous une fausse identité.