Visages du suffragisme français

Coordination scientifique : Christine Bard Valérie Neveu

Louise Weiss réveille le suffragisme

Ici on vote pour Louise Weiss

Ici on vote pour Louise Weiss, anonyme, 1936, affiche, 59,5 cm x 40 cm, Paris, BMD, © BMD. 

Journaliste, fondatrice de L'Europe nouvelle (1918-1934), Louise Weiss (1893-1983) s'investit dans le combat suffragiste tardivement (1934) pour une brève période (deux ans), mais avec efficacité et brio.

Elle crée sa propre association, La Femme nouvelle, se porte candidate aux élections de 1935 et de 1936 pour un scrutin parallèle, et surtout, organise plusieurs manifestations spectaculaires. Louise Weiss sait attirer micros et caméras et rassemble ses petites troupes en divers points stratégiques: place de la Bastille, Chambre des députés, Grand prix de Longchamp, Coupe de France de football… Ses méthodes de « suffragette », son mépris pour le féminisme timide et « oiseux », son égocentrisme irritent les féministes de longue date mais, plus que les autres figures du mouvement – Germaine Malaterre-Sellier, Marie-Louise Puech, Suzanne Grinberg, Marcelle Kraemer Bach, Marguerite Pichon-Landry, par exemple sans oublier Cécile Brunschvicg -, c'est elle qui a marqué la mémoire collective, d'abord en raison de la diffusion de ses Mémoires d'une Européenne, ensuite parce qu'elle fut très symboliquement la doyenne du parlement européen en 1979.

Politique et art gastronomique

Cette photographie datée du 15 février 1936 est accompagnée de ce commentaire de presse :

« Politique et art gastronomique… Voulant démontrer que l'activité politique n'empêche en rien d'être bonne ménagère ; les femmes françaises, sous l'œil de Mademoiselle Louise Weiss (tenant la louche), présidente du parti féminin, préparent un repas qui doit être servi aux membres de la presse ; dans le restaurant du Grand Palais ».

Germaine Malaterre-Sellier (1889-1967)

D'abord active dans des oeuvres sociales (patronages, logements ouvriers, cercles d'études, dispensaires et ouvroirs), Germaine Sellier, infirmière major de l'Association des Dames de France, devient une héroïne de la Grande guerre : elle reçoit en 1915 la croix de guerre avec palmes pour avoir continué à soigner les blessés sous les bombardements de Soissons, malgré ses propres blessures. Après 1918, cette catholique progressiste proche de Marc Sangnier se rallie à la cause de la paix. Elle devient vice-présidente de l'union féminine pour la SDN et de la Ligue internationale du désarmement moral par les femmes, et préside la section Paix du CNFF. À la fin des années trente, elle s'investit dans le Rassemblement universel pour la paix, préside la commission Paix du Conseil international des femmes. Mais elle ne défend pas un pacifisme inconditionnel : en 1938, elle organise une Conférence féminine internationale pour la défense des démocraties. Suffragiste, elle est aussi secrétaire générale puis vice-présidente de l'UFSF. A la Libération, elle préside la Ligue des femmes électrices.

Politique et art gastronomique, in Le Petit Parisien

Politique et art gastronomique, in Le Petit Parisien, 15 février 1936, photographie noir et blanc, Montreuil, Musée de l'histoire vivante, © MHV.

Marie-Louise Puech (1876-1966)

Angliciste, Marie-Louise Puech forme avec le professeur Jules Puech un couple de militants pacifistes. Marie-Louise se consacre au développement de l'Union féminine pour la SDN dont elle est secrétaire générale (1920) puis présidente (1930). Elle est aussi l'une des dirigeantes de l'Association française des femmes diplômées des universités et appartient au comité central de l'UFSF. Son mari est, lui, secrétaire de La Paix par le Droit et consacre ses travaux historiques aux saints-simoniens, à Flora Tristan. De retour dans sa région natale du Tarn pendant l'Occupation, Marie-Louise Puech aide des réfugiées françaises et étrangères recherchées par les Allemands qui les recherchaient. Marie-Louise Puech défend en pratique pendant les années noires les principes de solidarité internationale qu'elle a essayé de promouvoir comme représentante de la Fédération internationale des femmes diplômées des universités à l'Institut de coopération intellectuelle de la SDN. Elle a tout particulièrement œuvré pour l'amitié franco-canadienne.

Suzanne Grinberg (1889-1972)

Lorsqu'elle prête serment en 1909, Suzanne Grinberg devient la neuvième avocate en France. Elle consacre ensuite une grande partie de son temps au suffragisme. Membre du comité central de l'Union française du suffrage des femmes dès 1914, elle s'occupe de la section juridique et devient vice-présidente de l'association dans les années 1930. Elle représente la France au bureau de l'Association internationale pour le suffrage des femmes et occupe le poste de secrétaire de l'Union féminine pour la Société des Nations.

Elle s'investit aussi dans le domaine corporatif. Professeur de droit à HEC Jeunes filles, auteure de plusieurs ouvrages sur les droits des femmes, elle crée l'Association des femmes juristes. Elle est la première femme admise à la direction de la Confédération des travailleurs intellectuels et à l'Association nationale des avocates, et en 1933, la première à recevoir la légion d'honneur à titre professionnel.