La prise en charge genrée des enfants

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Fig. 16 Groupe de garçons pupilles de la FOEFI au Cap Saint-Jacques, s.d. http://foefi.net/CapStJacques.html  

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Fig. 17 Groupe de filles pupilles de la FOEFI au domaine de Marie à Dalat, années 1950 – http://foefi.net/DalatF.html

Même si théoriquement « les filles bénéficient des mêmes dispositions bienveillantes que les garçons, car le temps est révolu où la femme pouvait aborder la vie sans les moyens d’occuper un poste lui permettant de suffire à ses besoins » (1), leur histoire et leurs parcours diffèrent de ceux des garçons. Sur les photos des centres FOEFI en Indochine, on constate une différence entre la manière dont on photographie les filles et les garçons en dehors des traditionnelles photos de classe ou de groupe. Ceux-ci paraissent plus libres de leurs mouvements, marchant dans la rue, torse nu, etc. (fig. 16) tandis que celles-là, toujours encadrées, ont souvent des postures bien plus figées (fig. 17).

En France, les garçons sont généralement accueillis dans des établissements laïcs administrés directement par la FOEFI, avec du personnel de service quand les filles assument toutes les tâches ménagères dans les établissements religieux où elles ont été dispersées, sous le contrôle d’une « section féminine » du service social de la fédération chapeautée par Marguerite Graffeuil.

Adultes, les femmes se sont moins exprimées que les hommes, notamment dans Grain de Riz, le bulletin de l’« Association FOEFI » créée en 1987 à l’initiative des anciens pensionnaires des foyers (2). Peu d’Eurasiennes y ont écrit ou publié et commenté leurs photographies. Certaines considèrent que les garçons ont été globalement mieux traités qu’elles, alors qu’ils se plaignent davantage… Les témoignages masculins sont plus nombreux aussi dans des films documentaires tournés sur le sujet (3). Enfin, en 2017, dans l’exposition photos réalisée par Sophie Hochart intitulée « Le déracinement silencieux », on compte seulement 5 femmes pour 34 hommes.

Notes : 
(1) ANOM, 90 APC 4291, FOEFI exercice 1950.
(2) Historique de l’association sur son site Internet http://foefi.net/hist-asso.html
(3) Philippe Rostan, Inconnu présumé français, France, 90 min., 2009 ; Frédérique Pollet-Rouyer, Né sous Z., France-Belgique, 75 min., 2010.
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Fig. 18 Carte des principaux établissements gérés par la FOEFI en France – Réalisation Jacqui Maurice pour l’Association FOEFI.

Les foyers FOEFI pour les garçons

Les jeunes garçons formés par la FOEFI sont censés devenir des éléments de valeur qui maintiendront avec les pays d’outre-mer les liens noués au cours d’une présence séculaire. Pour cela, la FOEFI choisit de ne pas les séparer et de les éduquer entre eux. En 1955, elle achète des biens immobiliers, notamment en vallée de la Loire (fig. 18). Les directeurs des foyers de Vouvray et de Semblançay sont des anciens de l’Indochine qui connaissent bien la réalité des enfants métis. Dès l’arrivée, tout est fait pour leur montrer qu’ils doivent tourner une page de leur vie. Certains de leurs objets personnels qui les rattachent à leurs origines sont confisqués ; il leur est interdit de parler vietnamien sous risque de punition. L’instruction primaire étant dispensée dans certains foyers, les enfants demeurent donc entre eux en permanence. La FOEFI dispose de moyens suffisants pour assurer à ces enfants et ces jeunes éducation, formation et loisirs (fig. 19).

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Fig. 19 Pensionnaires du foyer FOEFI des Sablons en vacances à Donville-les-Bains (Manche), 1954 – http://foefi.net/Sablons.html

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Fig. 20 L’abbaye de Saint-Rambert-en-Bugey, 1952 – ANOM rapport moral FOEFI 1952.

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Fig. 21 Pensionnaires de Saint-Rambert repassant leurs vêtements, 1952 – ANOM rapport moral FOEFI 1952.

L’abbaye de Saint-Rambert-en Bugey pour les filles

Comme les garçons, les premières filles arrivent en France en 1947. En 1949, une quarantaine, âgées de 8 à 10 ans, quittent le Vietnam et s’installent dans l’ancienne abbaye de Saint-Rambert-en-Bugey (Ain), village natal de Mère Jeanne, qui a soufflé l’idée d’acheter cette propriété à William Bazé (fig. 20). Celui-ci confie l’abbaye à la congrégation de Notre-Dame-des-Missions avec la charge d’y tenir un foyer pour Eurasiennes, car « il est nécessaire de les suivre de près, de leur apporter le soutien d’une présence bienveillante, compréhensive et maternelle » (1). La fédération prend en charge l’entretien des pupilles qui lui ont été confiées, mais ne salarie pas les religieuses, celles-ci poursuivant leur mission d’éducation, dans une propriété agréable, isolée dans la campagne. Plus de 500 Eurasiennes ont ainsi été élevées au foyer de « l’abbaye ». Beaucoup d’entre elles insistent sur leur vie de « recluses », l’absence totale d’ouverture sur le monde extérieur : pas de journaux, pas de télévision, pas de radio. La « vie est très austère », répétitive : lever, tâches ménagères, repas, étude, extinction des feux, fermeture des dortoirs, le tout la plupart du temps en silence, avec des horaires à respecter comme le rappelaient la cloche et le sifflet (fig. 21).

Note :
(1) ANOM, 90 APC 4291, FOEFI exercice 1949.