Scène de tournoi

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L’attaque du château d’Amour (inv. MTC 1136), anonyme, 1 ...

Devant des remparts, deux cavaliers richement armés s’affrontent. Sur une terrasse, au premier niveau, une femme est entourée de deux hommes, dont un, à droite, tient un oiseau de proie (signe distinctif de la noblesse). Ces trois personnages semblent assister à la joute. A l’étage supérieur, deux couples illustrent deux étapes du « récit » amoureux : à droite, l’amant implore la dame, qui se retourne chastement. A gauche, il s’agenouille et elle lui octroie une caresse, peut-être un baiser.

Ces deux dernières scènes sont caractéristiques de l’iconographie courtoise. L’amant s’agenouille devant la dame comme le vassal devant le suzerain : le rapport courtois est en effet proche du rapport de pouvoir. L’amant se soumet à son aimée, comme le soulignent plusieurs Arts d'aimer  rédigés au Moyen Age (plus ou moins inspirés de l'Ars amandi d'Ovide). On a souvent, à raison, souligné l’écart qui sépare cet idéal courtois de l’homme soumis à la femme et la réalité que l'on devine parfois fort différente... Ces représentations sont donc la projection d’un fantasme, celui d’une noblesse essoufflée qui, au XIVe siècle, voit dans les vieux principes courtois un élément identitaire.

L’idéalisation des rapports hommes/femmes n’est pas le seul signe de cette évolution de la noblesse qui cherche alors des représentations constitutives de son identité : la joute et l’oiseau de proie en sont ici deux autres exemples… La question est d’autant plus intéressante que c’est justement dans cette « catégorie sociale » que se trouvaient les acquéreurs de ces objets.

Ivoire et misogynie

Dans son Miroir de mariage, le poète Eustache Deschamps (vers 1344-vers 1404) évoque les avantages et inconvénients de l'union matrimoniale. Il fait alors dire à l'épouse d'un voyageur s'apprêtant à aller à Paris :

Pignes, tressoirs semblablement
Et miroir pour soy ordonner,
D'yvoire me devez donner,
Et l'estuy qui soit noble et gent
Pendu à cheannes d'argent
.

(in Eustache Deschamps, œuvres, Paris, Firmin-Didot, 1878, t. IX,  p. 45).

La dame réclame donc de son époux qu'il lui ramène ces colifichets de luxe (et ceux en ivoire en étaient alors assurément)… Ces quelques vers ironiques sur la vénalité supposée des femmes sont révélateurs du climat qui règne vers 1400. La seconde partie du Roman de la Rose, écrite par Jean de Meun vers 1270-1280, suscite alors une querelle littéraire entre Christine de Pisan, qui trouve le texte vulgaire et l'accuse de porter atteinte à la dignité des femmes, et certains clercs comme Gerson ou les frères Col, qui défendent l'auteur. Cette dispute fut finalement assez formelle, mais elle met en lumière le courant misogyne qui anime durant une bonne partie du Moyen Age le milieu des clercs…