Le couronnement

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Valves de miroir (MRR R 197 a et b), anonyme (Paris), 14e siècle, ivoire, d. 11,3 cm, Paris, Musée du Louvre, © photo RMN, Martine Beck-Coppola. 

Il est rare que les deux valves d'un même miroir soient encore conservées ensemble : ces deux exemplaires sont donc à ce titre exceptionnels. Leur iconographie est des plus convenues, chacune semblant raconter dans un ordre différent une courte histoire amoureuse.

Les scènes se déroulent dans un jardin, évoqué par un arbre et quelques buissons, lieu obligatoire de l'action courtoise. L'amant effleure de sa main le visage de la dame, qui esquisse d'abord un geste de réserve, puis semble céder. Preuve de la réussite de l'amant, la dame le couronne alors qu'il s'agenouille devant elle. Sur l'une des valves, les deux amoureux tressent ensemble la couronne avec les feuilles ou les fleurs d'un buisson. Enfin, les deux personnages assis, ou debout, paraissent goûter sereinement aux joies de l'amour.

Le couronnement de l'amant par sa dame est, dans ces courts récits amoureux, l'instant clé : il signale la reconnaissance et l'acceptation par la dame de son soupirant. Dans ces représentations, le fait que l'amant s'agenouille confère à la dame un véritable pouvoir. Dans les codes de l'amour courtois, tels qu'ils sont définis dès le XIIe siècle et repris jusqu'au XVe siècle, l'amant est au service de la dame : la relation amoureuse s'assimile presque à la relation entre le vassal et le suzerain : en s'agenouillant, l'amant (ici le « vassal ») rend hommage à la dame (ici le « suzerain »), qui le récompense en le couronnant.

L'hommage

La représentation de l'amant agenouillé devant sa dame s'inspire de l'hommage rendu au seigneur. Pour figurer un thème courtois, les artistes ont repris un schéma iconographique « politique ».

Les manuscrits médiévaux offrent de très nombreux exemples de représentation d'hommage aux puissants. Dans le manuscrit de la Vie de saint Louis de Jean de Joinville réalisé vers 1360 (le texte date des années 1305-1306), le premier folio montre l'écrivain offrant son ouvrage au roi Louis X. Celui-ci trône et reçoit l'hommage de l'auteur, agenouillé devant lui. Un objet, le livre,  passe de main en main : ce schéma est donc très proche des scènes de couronnement de l'amant, la seule différence résidant dans le fait que l'échange se fait ici dans le sens inverse (vers le seigneur, et non vers celui qui rend hommage). Ce parallèle s'arrêterait ici si l'enlumineur n'avait pas figuré sur la marge inférieure du feuillet un homme en prière agenouillé devant une femme lui tendant une couronne.

Il est certes difficile de savoir si cette proximité des deux thèmes est fortuite ou bien si le peintre a délibérément rapproché ces deux scènes en raison des rapports étroits qu'elles entretiennent. Le parallèle reste toutefois saisissant.