Images des Françaises et de la France en Europe
Les Françaises qui exercent des responsabilités dans les institutions européennes représentent la France. Leur réussite ou les difficultés qu'elles rencontrent rejaillissent sur l'image de la France en Europe. Au Parlement européen, dans les années 1990, Nicole Péry et Nicole Fontaine sont des vice-présidentes très appréciées. En 1999, vingt ans après Simone Veil, Nicole Fontaine accède à la présidence du Parlement européen. Si bien que les deux seules femmes à avoir exercé cette charge sont deux Françaises. Cette élection, présentée comme « l'apothéose de la Jeanne d'Arc de Strasbourg » par la presse, inaugure une présidence dont la dimension internationale est très marquée.
A la Commission européenne, après Christiane Scrivener, une deuxième Française est nommée par François Mitterrand. Edith Cresson, après l'expérience laborieuse de Matignon, peut montrer la pleine mesure de ses compétences européennes. Mais rapidement, c'est la "cible Cresson" qui intéresse les médias, ce qui permet aux institutions européennes qui fonctionnent alors très mal de se retrancher derrière un paravent en espérant échapper aux critiques qui fusent de toutes parts.
L'ère des "deux Nicole"
Depuis la troisième législature (1989-1994) des Françaises sont très en vue au Parlement européen. Respectivement 1ère et 4e vice-présidente dans les années 1992-1994, Nicole Péry et Nicole Fontaine sont particulièrement appréciées des parlementaires. Outre le fait de siéger au bureau du Parlement, ce qui n’est pas anodin, elles ont un rôle important dans le fonctionnement même de l’institution. Les vice-présidents sont appelés à présider les séances plénières du Parlement et dans cet exercice, les « deux Nicole » excellent. Mais bien peu nombreux sont les échos du travail des deux Françaises dans la presse française. Elles ont pourtant une compétence « technique » reconnue par tous les parlementaires.
Pour sortir de cet anonymat, en tout cas pour en faire sortir les députés européens, Nicole Fontaine publie un petit livre intitulé : Les députés européens. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Après les élections de 1994, Nicole Fontaine devient première vice-présidente. Le fait que deux Françaises aient été élues illustre la recherche d’un équilibre entre les grands Etats membres de l’Union au moment où les présidents sont deux Allemands, un Britannique et un Espagnol. Á côté de son surnom de « Jeanne d’Arc de l’Europe », Nicole Fontaine en a d’autres : « Madame codécision », « Madame cohabitation, « Madame co-législation ». De 1994 à 1999, elle a été de toutes les négociations avec le Conseil des ministres de l’Union.
En 1997, Nicole Péry est élue députée nationale et quitte Strasbourg au bout de 16 années d’assiduité et de travail reconnu au Parlement européen. Ses compétences sur les questions européennes, ne seront pas « utilisées » par Lionel Jospin, que ce soit lors de sa campagne pour l’élection présidentielle de 1995 ou dans ses gouvernements de 1997 à 2002. Pour sa part, Nicole Fontaine reste au Parlement européen. Bien qu’ayant soutenu Jacques Chirac lors de la présidentielle de 1995, elle ne fait pas partie du gouvernement Juppé. Quelques années plus tard, elle affirme : « Il n’était pas question pour moi de quitter le Parlement européen. Vous me direz j’ai eu la bonne intuition : j’aurais fait partie des "juppettes" » (source).
En janvier 1997, Catherine Lalumière, présidente du petit groupe radical (ARE), a tenu à présenter une « candidature de désobéissance » face à l’accord des deux grands groupes du Parlement qui se sont entendus sur une candidature unique à la présidence du Parlement européen. Présentée a priori comme un baroud d’honneur, la candidature Lalumière recueille 177 voix lors du scrutin (contre 338 à l’Espagnol José Maria Gil-Robles qui est élu). C'est-à-dire que des communistes, des Verts, des libéraux mais aussi des socialistes et des démocrates-chrétiens ont voté pour elle en profitant du vote à bulletin secret. Selon la candidate radicale, le fait d’être une femme a joué en sa faveur, tout comme sa réputation d’européenne convaincue depuis son passage au Conseil de l’Europe. En tout cas, le score réalisé par Catherine Lalumière préfigure d’une certaine manière une future – vraie – candidature française.
La Présidence de Nicole Fontaine (1999-2002)
En 1999, l'élection du président du Parlement ne se fait plus comme en 1979, car l'institution a bien changé. En raison des élargissements successifs, il a accueilli six délégations supplémentaires et les différents traités qui ont constitué les Communautés puis l'Union européenne lui ont accordé toujours davantage de pouvoirs.
La désignation de Nicole Fontaine comme candidate de la droite européenne apparaît à tous comme une suite logique de son engagement au Parlement. Le fait d'être une femme a-t-il joué dans sa désignation comme candidate ? On peut dire que le Parlement européen permet de valoriser les femmes par une sorte de discrimination positive. Pour un poste, les partis ont souvent intérêt à présenter une femme face à un homme. Pour le poste unique de la présidence et dans le contexte de politisation du Parlement européen, les variables sont multiples. Une candidature féminine peut rallier des suffrages de femmes et permettre de constituer une majorité.
Le 20 juillet 1999, dès le premier tour de scrutin, Nicole Fontaine est élue présidente du Parlement européen. Tous les présidents de groupes soulignent le respect qu'elle a su gagner depuis de nombreuses années au sein de l'institution. Nicole Fontaine indique dès le lendemain de son élection ses priorités pour le Parlement dont la principale est « la mise en œuvre des nouveaux pouvoirs du Parlement », conformément au traité d'Amsterdam. De plus, après les affres de la Commission Santer et l'application des nouvelles prérogatives du Parlement, de nouveau une ère favorable pour l'institution parlementaire semble s'ouvrir en 1999 sur le plan international.
Election du président du Parlement européen à Strasbourg le 20 juillet 1999.
Premier tour
Candidats |
Voix
|
Nicole FONTAINE PPE- Française |
306
|
Mario SOARES PSE - Portugal |
200
|
Heidi HAUTALA Verts - Finlandaise |
49
|
Votants : 615 ; Bulletins blancs ou nuls : 60
Suffrages exprimés : 555 ; Majorité absolue : 278
A peine élue, Nicole Fontaine décide de représenter le Parlement européen aux funérailles du roi Hassan II du Maroc. Alors qu'on souhaite la cantonner avec les épouses des chefs d'Etat présents, elle insiste pour figurer au rang des officiels, des hommes. Avec l'aide de Jacques Chirac et de ses gardes du corps, de dignitaires marocains aussi, elle parvient aux côtés de Bill Clinton au premier rang derrière le cercueil (source).
Nicole Fontaine multiplie les déplacements à l’étranger où elle est chaque fois accueillie avec rang de chef d’Etat, souvent avec des sentiments meilleurs qu’à l’égard de ceux-ci parce que justement, elle ne représente pas une politique étrangère, mais incarne l’Europe. Elle fait du renforcement des relations avec les pays méditerranéens l’un des objectifs de ces deux ans et demi de présidence. Elle organise la rencontre à Strasbourg des présidents des assemblées israélienne et palestinienne, la visite du commandant Massoud, de femmes afghanes aussi, anonymes sous leur burka. Selon elle, c’est sa « ténacité » qui a permis toutes ces rencontres : « je suis une femme, je ne lâche rien » ; « peut-être une femme était-elle mieux à même de ne pas louvoyer devant la réalité » (source).
D'autres initiatives personnelles de la présidente sont remarquées, comme sa réaction lors de la participation au gouvernement autrichien de l'extrême droite de Jorg Haider au début de l'année 2000. Cela la met en posture difficile au sein de son propre groupe, mais convient parfaitement aux Etats membres – la France en tête – qui ont appelé à la plus grande vigilance. Sans doute est-ce la première manifestation de la volonté de Nicole Fontaine d'exercer une présidence « politique » et ne de pas simplement gérer le Parlement (source).
La "cible Cresson"
Les deux Français qui siègent à la Commission européenne à partir de janvier 1995 sont Edith Cresson et Yves-Thibault de Silguy, nommés respectivement par François Mitterrand et par le gouvernement d'Edouard Balladur. Après l'épisode de Matignon, Edith Cresson a abandonné la politique nationale. Dès sa prise de fonction à Bruxelles, Edith Cresson et ses conseillers se méfient beaucoup des journalistes en raison du traumatisme issu du passage à Matignon. Aussi, elle ne cherche pas à établir de relations privilégiées avec le Brussels Press Corps, l'ensemble des journalistes accrédités auprès des institutions européennes, cela sera sans doute dommageable (en savoir plus).
Chargée au sein de la Commission des portefeuilles science, recherche et développement, éducation et jeunesse, Edith Cresson a pris des initiatives novatrices et a mené des programmes importants avec succès. Elle lance la phase expérimentale du service volontaire européen. En avril 1998, elle crée un secteur Femmes et science au sein de la direction de la recherche. L'approche d'Edith Cresson est d'utiliser la recherche pour atteindre des objectifs économiques et sociaux. Elle réussit à instiller de la recherche appliquée dans le cinquième programme cadre recherche. Pour le portefeuille éducation, l'ambition d'Edith Cresson est de faire avancer la réalisation d'un espace éducatif européen.
A partir de l'automne 1998, plusieurs pratiques présentées comme douteuses sont révélées par la presse. Edith Cresson a recruté en septembre 1995, un des ses amis, René Berthelot, dentiste à Châtellerault, comme « visiteur scientifique ». Elisabeth Schemla, ex-journaliste et auteure de Edith Cresson, la femme piégée, a été embauchée également à la Commission. Le ton des articles, surtout de Libération, est très accusateur.
Le fond des articles est souvent plus mesuré. Ainsi, Le Figaro évoque « une victime expiatoire, sanctionnée avec une brutalité sans commune mesure avec ce qui lui est reproché »… D'autres accusations sont lancées ensuite contre Edith Cresson à propos du programme Leonardo...
La procédure lancée par la justice belge en 2003 s'est conclue par un non-lieu en raison d'éléments à charge « imaginaires ». En juillet 2006, un arrêt de la Cour européenne de Justice a mis un point final à l'« Affaire Cresson » en adressant à l'ex-commissaire un « blâme moral » mais aucune sanction (en savoir plus). Edith Cresson estime que la droite allemande est la responsable de toute cette affaire et qu'elle a été choisie comme cible parce que commissaire de gauche et ancienne Premier ministre français.
En janvier 1999, le Parlement européen se saisit de l'affaire et demande à entendre Edith Cresson. Le 15 mars, le « comité des sages » chargé par le Parlement européen d'examiner les affaires touchant la Commission, rend un rapport très critique. Dans la nuit, la Commission démissionne. Edith Cresson est la principale visée par le rapport – la seule accusée de favoritisme – mais sept autres commissaires sont épinglés dont le président Jacques Santer. Les titres de la presse française sont très explicites : "Le rapport qui accable Cresson" (Libération), "Le gâchis Cresson" (Le Monde), "Edith Cresson blâmée par le rapport sur les fraudes" (Le Figaro), et un "Cresson la honte" qui barre toute la une de France Soir…