Mai 68, une occasion manquée ?
Dans les années 60, l'Action catholique générale féminine, qui a remplacé la Ligue féminine d'action catholique française en 1954, est principalement tournée vers les mères de famille. Ménagères, travailleuses, « urbaines » ou « rurales » lisent L'Echo de notre temps. Le magazine a succédé à L'Echo des Françaises et n'est plus seulement rédigé par les permanentes. Se voulant proche des lectrices et des femmes, il se fait l'écho de leurs préoccupations et de leur vie quotidienne.
La couverture annonce la fête des mères. Mais derrière la mère épanouie d'autres façons d'être femme sont présentées dans ce numéro. En mai 1968, L'Echo publie les résultats de l'enquête « votre vie de femme ». Si le témoignage de femmes au foyer est bien présent, d'autres figures de femmes émergent.
La publication de l'encyclique Humanae Vitae en septembre 1968 est l'occasion de rendre visible les positions divergentes des lectrices sur les questions de contraception Le mouvement s'ouvre ainsi aux aspirations à l'émancipation d'une partie de ses membres. La revue Le Gué, qui succède à L'Echo en 1976, en témoigne.
Mai 68 vu par l'Action catholique générale féminine
Le printemps 68 a semblé avoir laissé les femmes catholiques en dehors des événements. Pourtant, au-delà des réactions de crainte d’une partie des adhérentes, voire du rejet des aspirations étudiantes et ouvrières de la part de certaines d’entre elles, une brèche s’est ouverte.
C’est dans les colonnes de L’Echo de notre temps que le glissement est perceptible. Il s’agit d’un changement à la tête de l’association mais aussi chez certaines militantes et adhérentes.
Les aspirations de la jeunesse à plus d'autonomie, des travailleurs à une co-gestion dans l'entreprise sont reconnues par l'association. C'est aussi à partir de 68 que d'autres modèles féminins que celui de la femme au foyer ou à la rigueur de l'exploitante rurale, sont proposés. De même, le célibat n'est plus associé à l'instabilité ou « aux femmes de mauvaise vie ».
Dans un article publié dans L'Echo d'octobre 1968, intitulé « Une vraie Madame Dupont », Anne Thierry relate les changements intervenus en 68 chez « Mme Dupont », présentée comme une adhérente ordinaire de l'association qui avait servi de modèle pour une chronique précédente sur le quotidien des femmes.
Humanae Vitae et l'irruption de la contraception
En octobre 1968, trois mois après la publication de l’encyclique sur la régulation des naissances, L’Echo de notre temps publie un commentaire . L’article n’est pas signé, il émane de la rédaction et fait part de la déception face à cette question.
Pour la première fois dans l’histoire du mouvement, publiquement, des femmes de l’association réagissent de façon négative aux directives pontificales.
« Depuis longtemps le monde attendait la réponse du Pape au sujet de la régulation des naissances. Cette réponse, Paul VI l’a donnée le 25 juillet 1968 par l’encyclique « Humanae Vitae » (De la vie humaine).
La pensée de Paul VI exprimée dans ce texte a déjà été très commentée, très discutée ; elle est une réelle déception pour beaucoup de catholiques. En beaucoup de foyers dans le monde elle provoquera de grande difficultés, parfois le doute, la révolte, voire le mépris. Nous n’en ignorons rien, nous partageons profondément la souffrance des couples qui, de tout leur cœur, cherchent à vivre leur vie d’époux.
Mais ce que nous voudrions, c’est chercher à mieux comprendre avec vous ce que cette encyclique propose surtout de positif et de dynamique à l’homme et à la femme unis par le mariage, même si ces exigences nous paraissent sévères.
Cet aspect n’a guère été commenté dans la presse et cette encyclique violemment critiquée n’a pas été souvent publiée. Nous vous en donnons donc, dans ce numéro, les principaux extraits qui sont une première approche du texte et le début d’une série d’articles que nous nous proposons de consacrer à ce sujet selon vos suggestions et vos questions ».
Le Gué
Les années 1970 sont l’occasion d’une remise en cause de plus en plus explicite d’un modèle « d’auxiliaires dociles et zélées » forgé au début du siècle. L’apparition d’un mouvement des femmes et les revendications féministes de liberté à disposer de son corps bousculent, souvent malgré elles les femmes de l’ACGF L’association prend un virage qui provoque le départ des catholiques plus attachées au discours traditionnel de l'Église.
Sans toutefois vouloir se confondre avec le féminisme tel qu’il est défini par les militantes du MLF. ou des organisations progressistes, l’ACGF se fait porte-parole des aspirations à l’émancipation fondée sur le différentialisme. Le congrès de Pantin des 18 et 19 novembre 1978, "Oser vivre au féminin, oser vivre Jésus-Christ", réunit 5 000 femmes, sur 50 000 adhérentes, pour témoigner de leurs expériences de femmes dans la société, en politique, dans l'Église.