De l'action civique à la parité
Paradoxalement, c'est d'abord comme associations chargées de l'œuvre électorale que la Ligue des femmes françaises, puis la Ligue patriotique des Françaises sont fondées. Mais tout en refusant le suffrage féminin, les dirigeantes participent aux élections comme propagandistes et quêteuses électorales. La Ligue finance ainsi l'Action libérale populaire, plus rarement l'Action française et un candidat blanquiste à Paris en 1902 ! Invitées par le pape à se tenir loin des urnes, elles se font partisanes du suffrage quand Benoît XV s'y rallie.
Proche de la Fédération nationale catholique, la LPDF prépare ses adhérentes à l'éventualité du vote : il faudra s'en servir comme d'une arme pour promouvoir la famille et défendre la religion.
Au sortir de la guerre, en 1946, les articles de L'Echo invitent les électrices à accomplir leur devoir électoral en faveur de candidats catholiques : ainsi s'explique peut-être l'importance du vote féminin pour la formation démocrate chrétienne. La LFACF compte alors plus de deux millions d'adhérentes. Régulièrement, des articles enjoignent les catholiques à s'investir dans la vie politique au nom même de leur expérience maternelle, consubstantielle de la féminité pour l'Eglise catholique. L'Action catholique générale féminine qui naît en 1954, abandonne une partie de l'action sociale mais conserve cette promotion de l'engagement civil et politique.
Lors des années 1990, l'ACGF est à l'initiative de l'Association "Elles aussi," promotrice de la parité.
Le devoir électoral
Jusqu'en 1914, les tracts édités à l'occasion des élections fournissent aux militantes des arguments pour convaincre les femmes d'user de tous les moyens en leur possession pour orienter le vote des hommes de leur entourage. Maniant les stéréotypes de genre sur l'influence de la femme, la baronne Reille, conférencière puis présidente de la Ligue, demande aux épouses d'user de leur influence pour bien faire voter les maris. Dans les rapports de la Sûreté Générale, c'est aussi la méthode que Lysistrata recommande aux femmes pour faire céder les hommes de la cité qui semble utilisée par les conférencières : comme dans la pièce antique d'Aristophane, les femmes sont invitées à s'abstenir de toute relation sexuelle avec leur mari tant que ceux-ci ne voteront pas pour les candidats catholiques. Témoignage de la misogynie des fonctionnaires de police ou souci de préserver la moralité des militantes, cette stratégie n'est jamais mentionnée dans les archives catholiques.
En revanche, le « nettoyage » des listes électorales par des sections chargées de vérifier que les électeurs catholiques sont bien inscrits et que les francs-maçons, socialistes etc sont rayés des listes électorales sont attestées jusqu’en 1914.
Nos devoirs de chrétiennes dans la cité
Lors du congrès de Lourdes, les 4 et 5 octobre 1945, la présidente de la Ligue féminine d’Action catholique française, la vicomtesse Charles de Curel, prononce un discours où elle trace les grandes lignes de l’action des femmes catholiques au sortir de la guerre : promotion de la famille, valorisation de la maternité et accomplissement de leur devoir d’électrices.
Avant cela, dès le mois d’octobre 1944, le bureau avait envisagé une première circulaire dont Marie du Rostu avait tracé les grandes lignes :
« Se tenir en dehors et au dessus de tous les partis politiques mais former et informer les adhérentes sur leurs devoirs civiques. » (H66, cahier des pv des réunions du bureau, réunion du 4 octobre 1944).
"Au-delà des rôles"
L’Action catholique générale féminine, qui prend la suite de la LFACF en 1954, se distancie des formations politiques conservatrices. Elle s’attache à promouvoir l’entrée des femmes en politique. On trouve ainsi dans les colonnes de L’Echo de notre temps puis dans Le Gué des témoignages de conseillères municipales. L’échelon politique municipal est présenté comme plus proche des réalités quotidiennes des femmes et permet de concilier plus aisément que les mandats nationaux une vie politique avec les charges familiales et professionnelles.