Un atelier fonctionnel
Situé dans le centre de Doué, l'atelier occupait l'essentiel du rez-de-chaussée de l'habitation familiale. Pour aller travailler les ouvrières passaient par le jardin, coupé de la rue de la Fauconnerie par de hauts murs et un portail plein et ne pouvaient donc croiser les clientes qui empruntaient l'entrée ouverte sur la rue du Château.
Spacieux et lumineux, agencé de façon rationnelle et bien équipé il offrait de bonnes conditions de travail au personnel qui œuvrait sous l'œil de leur exigeante patronne. Les horaires étaient stricts, le travail studieux dans une ambiance qui restait cependant conviviale. Les ouvrières pénétraient rarement dans le salon d'essayage où chaque lundi, jour de marché, Camille Sauzeau recevait les clientes qu'elle conseillait dans le choix des modèles et des tissus, et où, dans l'intimité, se prenaient les mesures et se décidaient les retouches.
Cet espace clos par une façade presque aveugle (seules les fenêtres de l'atelier restaient ouvertes pour bénéficier de la lumière naturelle), fermé, apparaît bien comme un territoire exclusivement féminin où des femmes travaillent pour d'autres femmes à la confection de la panoplie du genre féminin.
Un lieu multifonctionnel
L’atelier faisait le coin entre la rue de la Fauconnerie et la Rue du Château perpendiculaire à la précédente. La rue plutôt résidentielle et tranquille se situe un peu à l’écart du centre commerçant de Doué que l’on rejoint à pied en moins de 5 minutes.
La bâtisse, imposante, était la propriété de la famille Sauzeau depuis plusieurs générations. Le rez-de-chaussée, donnant sur un grand jardin arboré et cultivé, comprenait trois pièces dont les deux plus grandes, séparées par un couloir furent transformées en atelier et salon.
L’ameublement particulièrement soigné du salon était révélateur des liens établis entre Camille Sauzeau et sa clientèle fortunée. Le bureau assorti du fauteuil à haut dossier, le meuble à étagères spécialement conçu pour exposer les tissus et la penderie fermée contenant les vêtements à essayer ou achevés, mettaient en valeur le professionnalisme de la patronne et son statut de chef d’entreprise ; le confident et la psyché soulignaient l’intimité de la relation entre la couturière et sa cliente. Un rideau isolait le fond du couloir derrière lequel les clientes, soucieuses de confidentialité attendaient, assises, que leurs prédécesseuses soient sorties du salon.
La plus petite des pièces faisait office de cuisine et communiquant directement avec l’atelier permettait à la mère de Camille Sauzeau, qui s’occupa du ménage de sa fille après son veuvage, de surveiller les ouvrières sans sévérité excessive semble-t-il.
L’étage comprenait les pièces d’habitation auxquelles le personnel, sauf exception n’avait pas accès. Une salle de douche, vraie rareté à l’époque, y fut installée dès les années 30.
Extérieurement l’immeuble n’a pas beaucoup changé depuis la fermeture de l’atelier et certaines pièces de mobilier conservées (commode à mercerie, penderie de rangement des vêtements en cours, meuble d’exposition des tissus, grand miroir sur pied, bureau de Camille Sauzeau) qui n’ont malheureusement pas pu être photographiées, témoignent de l’activité passée de même que divers coupons d’étoffes non utilisés et boîtes, encore intactes, de boutons. Le papier peint orné de grands motifs géométriques mauves et noirs tapissant l’atelier est celui décrit par les témoins arrivées comme apprenties au début des années 40.