Une parenthèse silencieuse : la clandestinité
La période de l'Occupation constitue une parenthèse et une période de retraite forcée pour les activités militantes de Cécile Brunschvicg. Jusqu'en juin 1940, celle-ci, présente à Paris, participe à l'organisation de la défense passive et cherche à assurer la survie des groupes locaux de l'UFSF, pour que les féministes soient en mesure d'agir dès la fin du conflit. L'exode la mène avec sa famille d'abord à Bordeaux puis dans le Gers, où elle doit se séparer de sa fille Adrienne qui a décidé de rejoindre Charles de Gaulle en Angleterre avec sa propre fille.
Jusqu'en 1941, la famille Brunschvicg peut se permettre de vivre dans le Gers, dans une maison de famille, puis à Aix-en-Provence, où elle reconstitue son foyer dans un appartement loué sans crainte d'être inquiétée. Après l'invasion de la zone libre par les troupes allemandes en juin 1942, la clandestinité devient cependant nécessaire pour échapper aux persécutions visant les juifs. Au cours de l'année 1943, Cécile Brunschvicg et son mari prennent de faux noms et se séparent. Léon Brunschvicg, malade, se retire à Aix-les-Bains où il décède en janvier 1944, où, malgré les risques, son épouse l'a rejoint quelques mois auparavant.
Après la mort de son mari, Cécile Brunschvicg trouve quant à elle refuge sous le nom de Mme Léger dans un établissement de jeunes filles, aux environs de Valence, où elle s'occupe de l'administration de l'École tout en enseignant aux élèves la littérature et leur inculquant des notions de morale civique. Durant cette période, elle tient deux cahiers : l'un qui consigne les cours qu'elle donne à ses élèves, l'autre qui est un journal intime relatant la libération de Valence et sa région. Ils nous renseignent sur ce que représente cette période pour cette militante infatigable.
Dans son journal intime, dans les leçons de morale civique qu'elle donne à ses élèves, elle montre que, sans sentiment de revanche, elle continue à croire en la paix et la nécessité de l'arbitrage international pour l'après-guerre. Dans la continuité de ses idées féministes, elle y réaffirme le devoir d'action publique des femmes au sein d'une République reconstruite.
Les dernières années
Les deux dernières années de la vie de Cécile Brunschvicg sont à l’image de son militantisme passé et du programme qu’elle a exposé dans ses cahiers de guerre.
En octobre 1944, Valence libérée, elle peut rejoindre Paris où elle s’installe à Neuilly chez son fils. Cécile Brunschvicg, sortie de la clandestinité, reprend aussitôt son activité féministe pour préparer les femmes à voter pour la première fois. Les Françaises, non sans hésitations de la part des membres de l'Assemblée provisoire d'Alger ont en effet obtenu par l’ordonnance du 21 avril 1944 le droit de vote dès les élections municipales d’avril et de mai 1945.
Cécile Brunschvicg, même si elle reprend sa place auprès des radicaux en tant que présidente d’honneur du Conseil National des Femmes Radicales socialistes, choisit de placer son action dans la continuité et la neutralité de son action féministe d’avant guerre. L’UFSF est transformée en Union Française pour l’Action civique et politique des Femmes (UFAF) dès le mois de décembre 1944 avant de devenir l’Union Française des électrices : elle ne donne pas de consignes de vote mais appelle à voter pour des candidats dignes de la France, et susceptibles de réaliser un programme municipal de réalisations immédiates, fortement inspiré par le programme social défendu par les féministes dans l’entre-deux-guerres.
Elle contribue aussi à la renaissance de son ancien journal La Française où elle publie quelques articles. Malgré l’échec de la Société des Nations, elle y réclame une active propagande en faveur de l’Organisation des Nations Unies dans laquelle elle met ses nouveaux espoirs de paix. Toujours présente sur la scène internationale, elle participe à des congrès féministes internationaux, à celui de l’Alliance internationale des femmes à Interlaken en juillet 1946, et au congrès fondateur de la Fédération démocratique internationale des femmes.
Elle décède quelques mois plus tard à Neuilly-sur-Seine le 5 octobre 1946 des suites d'un cancer.