Le pacifisme, un devoir pour les femmes
Comme beaucoup de féministes réformatrices, ce n'est qu'après la Première Guerre mondiale que Cécile Brunschvicg s'investit dans le mouvement pacifiste, à partir de juillet 1919 lorsqu'elle participe à la création de l'Union Féminine pour la Société des Nations.Cette association, proche de l'UFSF, mais ouverte aux personnalités extérieures, adhère à la Fédération française des associations pour la Société des Nations et tente, par l'organisation de conférences, de manifestations de susciter l'adhésion de la population au rôle de la Société des Nations.
Le pacifisme qu'elle y développe, prudent et modéré, qui met tous ses espoirs dans l'arbitrage international, dans la construction d'un espace européen économique et qui n'exclut pas le recours à un conflit défensif, est très influencé par les positions défendues par les radicaux.
Pacifiste, Cécile Brunschvicg s'affirme cependant d'emblée comme une antifasciste réaliste et participe à l'organisation de l'accueil des émigrés allemands juifs à Paris à partir de 1933. Pour autant, son appartenance à un mouvement féministe neutre politiquement et la volonté de ne pas nuire à la cause féministe qui reste sa priorité, ne l'incitent pas à s'engager sur le plan politique.
Malgré une vision assez réaliste de la nature belliciste de la politique hitlérienne, ce n'est ainsi véritablement qu'à partir de 1938 qu'elle se résout à une remise en cause profonde de ses revendications pacifistes et à une participation à l'organisation des femmes dans l'optique d'un conflit. Elle crée ainsi Les Françaises au service de la nation, association qui a pour but de dresser la liste des femmes susceptibles de pouvoir s'enrôler civilement à la préfecture ainsi que celle des volontaires bénévoles, en cas de guerre, et de développer un service social parallèle aux services administratifs. Elle implique aussi l'UFSF dans des mouvements clairement antifascistes comme le Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme.
Lors de la déclaration de guerre, Cécile Brunschvicg s'investit, comme lors de la Première Guerre mondiale, dans l'aide aux réfugiés avant de devoir se réfugier en province puis dans la clandestinité après la défaite.
L'accueil des réfugiés pendant la guerre
Comme la très grande majorité des féministes réformatrices, Cécile Brunschvicg adhère à l’ « Union Sacrée » pendant la guerre. Mettant de côté les revendications féministes, les unes et les autres encouragent alors les femmes à se consacrer à l’effort patriotique.
Elle même fonde, le 1er décembre 1914, l’Oeuvre Parisienne pour le Logement des Réfugiés, dans le cadre de l’Union centrale des œuvres d’assistance publique et privée du 16e arrondissement, dont elle est la secrétaire. Elle est la véritable administratrice de l’Oeuvre des Réfugiés patronnée par le ministère de l’Intérieur, dont elle assure le secrétariat, et qui a pour but d’aménager et de gérer des locaux afin de donner l’hospitalité aux réfugiés des régions évacuées ou envahies. Pour cela, elle se fait prêter des logements, puis a l’idée de faire terminer les immeubles dont la construction a été interrompue par la guerre, ce qui lui permet de loger environ 20 000 personnes dans une vingtaine d’immeubles situés à Paris ou dans sa banlieue, auxquelles elle prête des meubles, en échange d’un loyer.
Cette action exemplaire et de grande envergure lui vaut d’être nommée le 20 décembre 1920 Chevalier de la Légion d’honneur.
Des actions de solidarité antifasciste
En 1933, les premières mesures antisémites prises par Hitler, et notamment les premiers boycottages de commerces juifs, provoquent l’émigration de milliers de juifs en direction des pays européens. Devant l’ampleur de la tâche, la direction du Comité Central d’Assistance aux Émigrés juifs, chargé d’accueillir les réfugiés d’Europe centrale et orientale depuis 1928, décide en avril 1933 de créer, pour les réfugiés juifs d’Allemagne, un comité spécial qui prend le nom de « Comité d’aide et d’accueil aux victimes de l’antisémitisme en Allemagne ». Cécile Brunschvicg s’investit dans son action.
A partir d’avril 1933, elle met en place un service social, composé de visiteuses bénévoles, chargé de trouver des hôtels accueillants et bon marché, des repas et d’organiser des visites à domicile dans les hôtels logeant des réfugiés. Prenant de l’ampleur, ce service devient en juin la Commission de service social et médical du Comité national de secours de victimes de l’antisémitisme en Allemagne qui fédère toutes les associations existantes. Elle est alors chargée de l’amélioration des conditions de vie des émigrés qui sont logés à partir de juillet dans des casernes désaffectées à la périphérie de Paris.
Parallèlement, Cécile Brunschvicg participe également au placement des intellectuels allemands émigrés et essaie de lutter contre l’antisémitisme en publiant des articles dans la presse.
S’il lui arrive de faire publier dans la presse des articles protestant contre l’antisémitisme, Cécile Brunschvicg conçoit néanmoins surtout son action sur le plan social et non sur le plan politique.
Cet investissement est de toute façon de courte durée : dès l’été 1934, le Comité d’aide cesse toute activité et avec lui la commission de Cécile Brunschvicg.