Au cœur de l'Etat, au service des enfants et des femmes
Le 4 juin 1936, pour la première fois dans l'histoire de la République, trois femmes sont nommées au gouvernement par Léon Blum. Parmi celles-ci, Cécile Brunschvicg est choisie pour représenter la composante radicale du gouvernement de Front populaire.
En tant que Sous-secrétaire d'Etat à l'Education Nationale jusqu'en juin 1937, puis en tant que vice-présidente du Conseil Supérieur de la Protection de l'Enfance et du Conseil Supérieur d'Hygiène Sociale, Cécile Brunschvicg peut faire aboutir des réformes avant tout sociales. Préparée par son activité associative antérieure à traiter les questions qui lui sont confiées, l'hygiène scolaire et la vie sociale de l'enfant, l'orientation professionnelle des jeunes filles, les questions d'entr'aide et de solidarité sociales intéressant la femme et la jeune fille, son action permet avant tout la création d'un millier de cantines scolaires, leur rationalisation, la mise en place d'une formation destinée aux instituteurs et institutrices, désireux d'enseigner aux enfants déficients, ainsi que la formation des moniteurs éducateurs dans les établissements d'éducation surveillée. En revanche, sur les questions féministes, l'action de Cécile Brunschvicg est plus réduite, au sein d'un gouvernement qui conçoit surtout son soutien à la cause des femmes de manière symbolique.
Trois femmes au gouvernement
Le 4 juin 1936, pour la première fois dans l’histoire de la République, trois femmes sont nommées au gouvernement par Léon Blum, qui réalise ainsi une promesse qu’il avait faite en 1930 lors d’un banquet du Conseil National des Femmes Françaises. L’expérience n’est pas reconduite par son successeur Camille Chautemps.
La première de ces femmes, Irène Joliot-Curie, proche du parti communiste, est nommée sous-secrétaire d’Etat à la Recherche scientifique mais n’exerce réellement ces fonctions que deux mois : elle a surtout accepté pour défendre la recherche scientifique et pour le symbole.
La deuxième femme est Suzanne Lacore, institutrice à a retraite et militante socialiste, qui devient sous-secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance, rattachée au ministre de la Santé publique Henri Sellier.
Cécile Brunschvicg enfin, sous-secrétaire d’Etat à l’Education Nationale est rattachée au ministère du radical Jean Zay.
Si ces nominations sont porteuses d’espoir pour les féministes, et si l’expérience s’avère une réussite, elles ne sont pas suivies d’effet : une fois de plus le Sénat bloque en 1936 la réforme sur le suffrage des femmes en refusant de discuter de la proposition de loi adoptée à l’unanimité par les députés en juillet 1936 et le successeur de Léon Blum ne réitère pas l’expérience.
La classe politique n’est pas prête à reconnaître aux femmes le droit à une représentation permanente au sein de la République.
Cécile Brunschvicg a-t-elle trahi la cause féministe?
Lorsque Cécile Brunschvicg accepte de faire partie du gouvernement de Léon Blum, c’est avec l’intention affichée d’ « être utile » et de travailler à des « réalisations pratiques » et non d’être un simple ornement. Il ne semble pas qu’elle ait eu des hésitations sur le bien-fondé de cette participation et pourtant celle-ci va provoquer des réactions négatives dans le milieu féministe.
Au sein de l’UFSF d’abord, sa nomination est vécue parfois comme un désaveu du principe de neutralité politique de l’association. Mais surtout, l’accusation se double de celle d’avoir abandonné la cause féministe et notamment la cause du suffrage. En juillet 1936, une proposition de loi est adoptée à l’unanimité par les députés mais le Sénat bloque une fois encore la réforme sur le suffrage des femmes en refusant de discuter la proposition de loi. À ces occasions, Cécile Brunschvicg ne prend pas publiquement la parole pour défendre la réforme, ce qui lui attire les reproches de la frange la plus active du mouvement suffragiste.
Si l’on en croit cependant sa correspondance et ses notes de travail, Cécile Brunschvicg essaie d’agir dans la coulisse en faveur du suffrage des femmes mais sa marge de manœuvre est faible. En revanche, elle profite de son passage au gouvernement pour faire avancer d’autres réformes féministes : la lutte contre la prostitution réglementée, la réforme du Code Civil et la suppression de l’incapacité des femmes mariées, réforme qui aboutit en partie en février 1938 et que Cécile Brunschvicg pousse lors de son passage au ministère. Elle obtient aussi la suppression de l’autorisation maritale pour l’obtention d’un passeport (été 1937) et la réouverture de quelques concours de la fonction publique fermés aux femmes.