Apprendre le métier

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À la couture, patronage Maria Deraismes, date inconnue, Paris, BMD, © BMD. 

Les métiers à domicile sont considérés comme faciles à exercer et sont mal payés puisque "tout le monde" est capable de les faire. Sur cette carte postale, les petites filles apprennent les points courants qui leur permettront de confectionner les vêtements de la famille et de les entretenir mais aussi de gagner un peu d'argent si le besoin s'en fait sentir. Les patronages laïques comme celui-ci, géré par Maria Deraismes ou religieux enseignent aux petites filles la couture, la broderie, la dentelle ou d'autres spécialités. Il est possible aussi d'étudier dans certaines écoles spécialisées les fleurs artificielles à l'école de la rue Bourret à Paris (19e arrondissement). Apprendre le métier peut se faire à la maison, en copiant les techniques maternelles, mais aussi dans des écoles ou dans les couvents. Ainsi appris, le métier peut avoir un intérêt domestique et/ou financier. C'est ainsi que l'armée utilise beaucoup les ouvrières à domicile. Pendant la guerre de 1914-1918, ces connaissances acquises dans l'enfance vont leur servir de gagne-pain alors que leurs maris et compagnons sont sous les drapeaux.

Les féministes s'intéressent beaucoup à l'enseignement pour les filles. Si l'Instruction publique prévoit des écoles générales pour les garçons et pour les filles, elle ne se préoccupe guère de l'apprentissage professionnel de celles-ci. Or, seul un apprentissage sérieux leur permettra d'obtenir des salaires corrects. Il est très facile de dire qu'elles sont mal payées car elles n'ont pas de qualification. C'est ainsi que la première école professionnelle de jeune fille voit le jour dans le XVIIe arrondissement de Paris, rue Ganneron. Une ancienne institutrice, Marie Bonnevial y enseigne. En parallèle avec l'enseignement laïc existe une formation donnée par des religieuses dans des couvents. Les filles y passent quelques années à étudier la religion, la couture et reçoivent quelques notions d'enseignement général.

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Ecole des Soeurs apostolines, extrait de Pierre Verhaegen La Dentelle en Belgique, Bruxelles 1912, © collection particulière.

Dans un couvent belge

L’apprentissage prend une forme religieuse dans les nombreux couvents où les jeunes filles reçoivent un enseignement général peu approfondi mais un enseignement professionnel très développé dans certaines spécialités comme la lingerie ou la dentelle et la broderie.  Cet apprentissage dure une bonne partie de la journée. Selon leur âge, les petites filles confectionnent des objets qui sont vendus à l’extérieur et elles sont peu payées ou pas du tout. Cela permet aux religieuses de vendre les trousseaux et autres beaux objets très bon marché et elles font ainsi de la concurrence aux ouvrières de l’extérieur.

En cette période de conflit entre l’Église et l’État, des écoles confessionnelles sont fermées, ce qui ne règle pas pour autant la situation. Des religieuses émigrent alors à l’étranger où elles ouvrent de nouveaux établissements dont les élèves concurrencent les Françaises. Même si l’enseignement religieux régresse, les ouvrières à domicile continuent de critiquer ces concurrentes déloyales en raison du tarif modique de leurs prestations.

Ainsi formées, la plupart des filles étudient la couture, soit pour pouvoir confectionner et entretenir le linge de leur future famille (leur premier ouvrage étant leur propre trousseau), soit pour en faire leur métier.

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Le Poilu, Tito Saubidet, 1917, carte postale, Nanterre, BDIC, © BDIC.

Des vêtements pour l'armée

L’armée est une grosse consommatrice d’uniformes confectionnés à domicile. Les villes de garnison ont des ateliers et de très nombreuses ouvrières travaillent pour l’Intendance militaire. Un décret du 1er août 1899 règlemente la fixation des salaires dans les contrats avec l’État et les intendants sont obligés de s’y soumettre mais la Guerre va accélérer la confection de pantalons rouges et autres équipements car une grande partie se fait à domicile.

Ce tableau présente un uniforme militaire de 1916. Après l’hécatombe du début de la guerre, les uniformes sont modifiés, les pantalons rouges disparaissent au profit d'uniformes bleu horizon. Les képis rouges (véritables cibles vivantes) bientôt recouverts de couvre-képis bleus font place aux casques, aux bandes molletières, aux vareuses et autres couvre-bidon. Le travail ne manque pas et les ouvrières retrouvent les gestes appris autrefois (très souvent au couvent) pour gagner leur vie. Seules les femmes mariées ont droit à une petite indemnité, insuffisante pour nourrir leur famille. Alors que les unes trouvent le chemin des usines de guerre pour devenir les fameuses munitionnettes, les autres cousent chez elles et sont exploitées par les intermédiaires de l’Armée quand ce n’est pas directement par les maîtres tailleurs militaires. La confusion entre les salaires fixés par le décret de 1899 (sur les marchés passés avec l’État) et la loi de 1915 rendent difficiles l’obtention de salaires permettant aux ouvrières de ne pas mourir de faim, l’armée s'avérant un employeur  à la fois exigeant et économe des deniers de l’État. Les tissus sont souvent difficiles à coudre, surtout à la main, et la concurrence entre ouvrières rude pour obtenir du travail.