Entre médecine et féminisme, s’engager pour la contraception et l’avortement (France, 1956-1982)

Coordination scientifique : Marie Gauthier

Résistances au changement

Communiqué du GIS et autres associations contre les sanctions de l’Ordre des médecins (1976),

Fig. 1 : Communiqué du GIS et autres associations contre les sanctions de l’Ordre des médecins (1976), 21x27,5 cm, fonds du GIS (44 AF 28), Centre des archives du féminisme

Caricature, extrait d’une brochure du MLAC (s.d.),

Fig. 2 : Caricature, extrait d’une brochure du MLAC (s.d.), 12x5cm, fonds du MLAC (10 AF 38), Centre des archives du féminisme.

La lente évolution des mentalités

L'Ordre des médecins évolue lentement sur le contrôle des naissances. Son attitude ne relève plus de la condamnation pure et simple mais davantage de la méfiance devant les produits contraceptifs susceptibles de faire l’objet d'une consommation massive, dont le pouvoir de prescription pourrait échapper aux médecins. Certains médecins se refusent à prescrire toute contraception ou à donner le moindre conseil pour éviter des grossesses non désirées (Fig. 2). La position d'expert des médecins reste valorisée dans ce débat qui devient politique et médiatique. En effet, même si des médecins contestataires ont réussi à laïciser la morale et les pratiques médicales, il subsiste une forte opposition dans un milieu encore marqué par la morale catholique, et l'Ordre des médecins continue d'émettre des sanctions contre les médecins contestataires (Fig. 1). Les médecins les plus modérés tentent de faire subsister une distinction forte entre contraception et avortement, La première étant perçue comme une arme pour lutter contre le second. Au sein du Planning familial, les tensions se cristallisent autour de l'avortement quand le MFPF prend la décision de pratiquer des avortements en 1973. Certains médecins outrés démissionnent du Planning, qualifié de « club d’avorteurs » (Fig. 3). D'autres, plus modérés, craignent une « dédramatisation » de l'avortement.

Lettre d'un médecin démissionnaire du Planning familial, document anonymisé (1973),

Fig. 3 : Lettre d'un médecin démissionnaire du Planning familial, document anonymisé (1973), 15X20,5 cm, fonds du MFPF (60 AF), Centre des archives du féminisme.

Des médecins contre l'avortement

Lorsque la loi Veil, qui autorise l'interruption volontaire de grossesse est promulguée en 1975, à titre expérimental, pour une durée de cinq ans, des contestations s'élèvent dans le monde médical. L'association Laissez-les vivre, fondée en 1971 par Paul Chauchard, mène cette opposition. La lutte pour le droit à l'avortement devient l’objet d’une bataille médiatique, alors que les médecins qui refusent l'IVG mettent en avant la possibilité d'exercer leur clause de conscience (Fig. 4), prévue par la loi. 

Formulaire vierge d'exercice de la clause de conscience (1975),

Fig. 4 : Formulaire vierge d'exercice de la clause de conscience (1975), 21x27 cm, fonds du MLAC (10 AF 12), Centre des archives du féminisme.

Photographie de Jérôme Lejeune,

Fig. 5 : Photographie de Jérôme Lejeune, Fondation Jérôme Lejeune (s.d.), Creative commons [CC BY SA 3.0].

Jérôme Lejeune (1926-1994)

Jérôme Lejeune se découvre très tôt une vocation de médecin : pendant l’Occupation, il côtoie la misère et la souffrance dans sa maison familiale transformée en hôpital de campagne. À la fin de ses études de médecine, il travaille dans le laboratoire du professeur Raymond Turpin, éminent généticien. Cela le conduit à participer à la découverte, au côté de Marthe Gautier, du gène responsable de la trisomie 21 en 1958. Il s’engage ensuite pour faire changer le regard sur la trisomie. Son engagement contre l’avortement s’affirme en 1973, lorsqu’il rejoint l’association Laissez-les vivre, fondée en 1971 par Geneviève Poullot et Paul Chauchard. Il s’engage alors dans un combat contre l’avortement.

Paul Chauchard (1912-2003)

Paul Chauchard est docteur en médecine et enseignant à la Faculté catholique de Paris et à l’École Pratique des Hautes Études. Il participe à la fondation de l’association Laissez-les vivre en 1971, au moment où les campagnes pour la légalisation de l’avortement émergent. Fermement opposé à l’interruption volontaire de grossesse, il est président de l’association pendant plus de vingt ans. Il est par ailleurs l’auteur de nombreux ouvrages de médecine et de philosophie portant sur la psychologie.

Tracts de l’association Laissez-les-vivre (s.d.),

Fig. 6 : Tracts de l’association Laissez-les-vivre (s.d.), 7X10,5 cm et 21x15,5 cm, fonds du MLAC (10 AF 14), Centre des archives du féminisme.