'Les Mystères du sérail et des harems turcs. Lois, mœurs, usages et anecdotes'
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Description
Pages 15 à 19
Créateur
Audouard, Olympe
Éditeur
Dentu (Paris)
Date
1866
Droits
Bibliothèque Marguerite Durand
Format
image/jpeg
Type
Texte
Identifiant
MUSEA_EX07_B02
Résumé
'Les Mystères du sérail et des harems turcs. Lois, mœurs, usages et anecdotes' (Paris, Dentu), Olympe Audouard, 1866, Paris, Bibliothèque Marguerite Durand, © BMD.
Text Item Type Metadata
Original Format
Papier imprimé
Location
Bibliothèque Marguerite Durand, Paris
Transcription1
PAGE 1 : CHAPITRE PREMIER
Histoire de la sultane Kétiras - intérieur du sérail
Histoire de l'esclave Naoura
Abdul-Mejdid, qui était bien connu pour sa bonté, sa générosité pour tous, et surtout pour l'extrême faiblesse qu'il avait pour ses femmes, ne sachant rien […] PAGE 2 : leur refuser, et se préoccupant sans cesse de leur bonheur, a fait un trait de magnanimité qui dépeint bien les sentiments élevés de ce monarque, et montre combien son cœur était apte au plus grand dévouement et au plus grand sacrifice, alors qu'il s'agissait du bonheur d'une femme…
Dans la maison d'une grande dame turque, Missir-el-Anem, il voit un jour une esclave d'une beauté extraordinaire. Il en devient bientôt éperdument amoureux, et veut l'acheter pour en faire sa favorite ; mais la maîtresse de cette esclave qui aimait tendrement la jeune fille, qui l'avait élevée avec autant de soin que si elle eût été sa mère, qui l'avait même adoptée, dit au souverain qu'elle ne lui cédera que s'il consent à en faire sa femme légitime… Or, l'usage en Turquie interdit au sultan d'épouser une esclave devant la loi.
L'illustre amoureux se retire désespéré de cette réponse ; il essaye de chasser de son cœur l'image de la belle esclave ; il reste quelque temps sans la revoir, comptant sur l'absence pour se guérir de son amour ; mais il fait l'expérience que l'absence est un fort mauvais remède : son imagination lui fait revoir celle qu'il aime plus belle, plus séduisante encore, il ne peut parvenir à chasser ses traits de devant ses yeux et de dedans son cœur…
Alors, comme l'amour ne connaît pas d'obstacles, PAGE 3 : il se décide à braver les usages… à l'épouser. Il a recours à toutes les merveilles du luxe oriental pour préparer dans son sérail l'appartement qu'il lui destine, il la couvre de bijoux, de diamants, ses moindres robes, ses vestes lui coûtent des sommes fabuleuses ; et bientôt cette esclave, devenue la femme du sultan, a des équipages somptueux, elle est entourée de tous les raffinements d'un luxe inouïe et de ces mille prévenances qu'un homme vraiment amoureux a toujours pour l'objet de sa flamme.
La possession au lieu de diminuer la passion d'Abdul Mejdid ne fait que l'augmenter, il est amoureux, mais amoureux à en perdre la tête.
Son bonheur pourtant n'est pas parfait, car la belle Kétiras se laissait aimer, mais elle ne l'aimait pas. Au bout même de quelque temps son indifférence se changea en froideur et en mélancolique tristesse, les roses de ses joues se fanèrent, ses yeux s'alanguirent, elle ressemblait à un beau lys courbé sur sa tige, battu par l'orage. Et, alors que toutes les femmes du sérail enviaient son bonheur, elle était très malheureuse.
Naturellement, la froideur, l'indifférence de Kétiras augmentaient l'amour de son époux au lieu de l'affaiblir ; mais il souffrait de posséder la femme sans posséder son cœur. En vain redoublait-il de tendresse, de PAGE 4 : délicate attention, il ne faisait pas un pas en avant, au contraire… Il voulut connaître la cause de cette indifférence, de cette tristesse ; il soupçonna une cause secrète, il chercha à la découvrir. Hélas ! il y parvint, je dis hélas ! car il y a des vérités si pénibles que l'on regrette de ne pas les avoir ignorées toujours.
La belle Kétiras était amoureuse, elle aussi, à en perdre le repos et la santé, mais pas de son époux ; son cœur s'était donné à un brillant général qu'elle avait aperçu caracolant à la suite du sultan. De là sa mélancolie, car elle ne pouvait entrevoir son amoureux que de loin, à la promenade, ou bien alors qu'il venait dans son haïk se promener sur le Bosphore sous les fenêtres du sérail ; c'est vous dire que lui aussi l'aimait. Le sultan sut tout cela, il connut tous les détails de leur liaison platonique.
Que fit-il ? les Turcs sont jaloux comme des tigres, méchants, vindicatifs, assure-t-on ; il les fit jeter, enfermés tous deux dans un sac, au fond du Bosphore, ou bien, plus modéré, il exila le général et mit au cachot sa femme, allez-vous dire lecteur !… Non, il ne fit rien de tout cela, il pleura comme un simple mortel son bonheur évanoui, ses illusions déçues, il sentit la jalousie lui mordre au cœur pour la première fois de sa vie… Mais il se dit : Puisque je l'aime et qu'elle ne m'aime pas, qu'elle en aime un autre, elle ne sera PAGE 5 : jamais heureuse avec moi et je veux qu'elle le soit. Faisant taire son cœur, son amour propre froissé, sa jalousie, il divorça d'avec elle ; il l'installa dans un superbe yalli (palais) qu'il lui acheta sur le Bosphore ; et, au bout de trois mois, comprenant qu'elle n'oserait jamais lui demander la permission de prendre un autre mari, voulant même lui éviter de commettre l'indélicatesse de lui exprimer ce désir, il lui donna l'ordre d'épouser le général, et il augmenta de grade et d'appointements son rival.Le jour que se célébra leur mariage, les quelques élus qui ont l'honneur d'approcher le sultan purent s'apercevoir que leur souverain avait les yeux rouges… Et la première fois que sa voiture croisa celle de la nouvelle générale, on put remarquer que le sultan pâlissait […].
Histoire de la sultane Kétiras - intérieur du sérail
Histoire de l'esclave Naoura
Abdul-Mejdid, qui était bien connu pour sa bonté, sa générosité pour tous, et surtout pour l'extrême faiblesse qu'il avait pour ses femmes, ne sachant rien […] PAGE 2 : leur refuser, et se préoccupant sans cesse de leur bonheur, a fait un trait de magnanimité qui dépeint bien les sentiments élevés de ce monarque, et montre combien son cœur était apte au plus grand dévouement et au plus grand sacrifice, alors qu'il s'agissait du bonheur d'une femme…
Dans la maison d'une grande dame turque, Missir-el-Anem, il voit un jour une esclave d'une beauté extraordinaire. Il en devient bientôt éperdument amoureux, et veut l'acheter pour en faire sa favorite ; mais la maîtresse de cette esclave qui aimait tendrement la jeune fille, qui l'avait élevée avec autant de soin que si elle eût été sa mère, qui l'avait même adoptée, dit au souverain qu'elle ne lui cédera que s'il consent à en faire sa femme légitime… Or, l'usage en Turquie interdit au sultan d'épouser une esclave devant la loi.
L'illustre amoureux se retire désespéré de cette réponse ; il essaye de chasser de son cœur l'image de la belle esclave ; il reste quelque temps sans la revoir, comptant sur l'absence pour se guérir de son amour ; mais il fait l'expérience que l'absence est un fort mauvais remède : son imagination lui fait revoir celle qu'il aime plus belle, plus séduisante encore, il ne peut parvenir à chasser ses traits de devant ses yeux et de dedans son cœur…
Alors, comme l'amour ne connaît pas d'obstacles, PAGE 3 : il se décide à braver les usages… à l'épouser. Il a recours à toutes les merveilles du luxe oriental pour préparer dans son sérail l'appartement qu'il lui destine, il la couvre de bijoux, de diamants, ses moindres robes, ses vestes lui coûtent des sommes fabuleuses ; et bientôt cette esclave, devenue la femme du sultan, a des équipages somptueux, elle est entourée de tous les raffinements d'un luxe inouïe et de ces mille prévenances qu'un homme vraiment amoureux a toujours pour l'objet de sa flamme.
La possession au lieu de diminuer la passion d'Abdul Mejdid ne fait que l'augmenter, il est amoureux, mais amoureux à en perdre la tête.
Son bonheur pourtant n'est pas parfait, car la belle Kétiras se laissait aimer, mais elle ne l'aimait pas. Au bout même de quelque temps son indifférence se changea en froideur et en mélancolique tristesse, les roses de ses joues se fanèrent, ses yeux s'alanguirent, elle ressemblait à un beau lys courbé sur sa tige, battu par l'orage. Et, alors que toutes les femmes du sérail enviaient son bonheur, elle était très malheureuse.
Naturellement, la froideur, l'indifférence de Kétiras augmentaient l'amour de son époux au lieu de l'affaiblir ; mais il souffrait de posséder la femme sans posséder son cœur. En vain redoublait-il de tendresse, de PAGE 4 : délicate attention, il ne faisait pas un pas en avant, au contraire… Il voulut connaître la cause de cette indifférence, de cette tristesse ; il soupçonna une cause secrète, il chercha à la découvrir. Hélas ! il y parvint, je dis hélas ! car il y a des vérités si pénibles que l'on regrette de ne pas les avoir ignorées toujours.
La belle Kétiras était amoureuse, elle aussi, à en perdre le repos et la santé, mais pas de son époux ; son cœur s'était donné à un brillant général qu'elle avait aperçu caracolant à la suite du sultan. De là sa mélancolie, car elle ne pouvait entrevoir son amoureux que de loin, à la promenade, ou bien alors qu'il venait dans son haïk se promener sur le Bosphore sous les fenêtres du sérail ; c'est vous dire que lui aussi l'aimait. Le sultan sut tout cela, il connut tous les détails de leur liaison platonique.
Que fit-il ? les Turcs sont jaloux comme des tigres, méchants, vindicatifs, assure-t-on ; il les fit jeter, enfermés tous deux dans un sac, au fond du Bosphore, ou bien, plus modéré, il exila le général et mit au cachot sa femme, allez-vous dire lecteur !… Non, il ne fit rien de tout cela, il pleura comme un simple mortel son bonheur évanoui, ses illusions déçues, il sentit la jalousie lui mordre au cœur pour la première fois de sa vie… Mais il se dit : Puisque je l'aime et qu'elle ne m'aime pas, qu'elle en aime un autre, elle ne sera PAGE 5 : jamais heureuse avec moi et je veux qu'elle le soit. Faisant taire son cœur, son amour propre froissé, sa jalousie, il divorça d'avec elle ; il l'installa dans un superbe yalli (palais) qu'il lui acheta sur le Bosphore ; et, au bout de trois mois, comprenant qu'elle n'oserait jamais lui demander la permission de prendre un autre mari, voulant même lui éviter de commettre l'indélicatesse de lui exprimer ce désir, il lui donna l'ordre d'épouser le général, et il augmenta de grade et d'appointements son rival.Le jour que se célébra leur mariage, les quelques élus qui ont l'honneur d'approcher le sultan purent s'apercevoir que leur souverain avait les yeux rouges… Et la première fois que sa voiture croisa celle de la nouvelle générale, on put remarquer que le sultan pâlissait […].
Citer ce document
Audouard, Olympe, “'Les Mystères du sérail et des harems turcs. Lois, mœurs, usages et anecdotes',” MUSEA 2004-2022, consulté le 22 décembre 2024, https://musea-archive.univ-angers.fr/items/show/1135.
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